Un jour ce sont les « avocats socialistes de Wallonie », un autre les « féministes radicales » de Barcelone ou Nantes , et ensuite, au choix, des partisans français radicaux de « l’abolition de la peine capitale au Maroc », des militantes genevoises « contre le travail des enfants », ou bien des tenants de la « théorie du genre » ( gender studies), se disant mandatés par l’Union européenne ou par Dieu sait quelle université germanique ou hexagonale, etc … Arrêtez, n’en jetez plus, bientôt à ce rythme, plus un jour ne se lèvera sur le Maghreb sans que ne débarquent, le verbe haut, à Tanger, Rabat, ou Laâyoun des délégations plus ou moins officielles, d’ « assoces » ou d’ONG, qui, avant un long week-end branché à «Kech» ou sur une plage sans mikas d’Agadir ou Larache, chercheront à ameuter des Marocains pour qu’ils se « mobilisent » contre la loi locale sur l’avortement, l’inversion sexuelle, l’héritage inégal ou tout autre sujet choquant l’ultra-sensibilité occidentale. Sans parler des spectaculaires exhibitions de Femens à Rabat, face au Mausolée royal, ou à Béni-Mellal, symbole du Maroc profond, exhibitions organisées pour forcer les autorités marocaines à adopter en matière de mœurs des mesures libertaires semblables à celles qui se sont mises en place en Occident ces derniers lustres …
La palme récente des intempestives tentatives d’ingérence dans les affaires intérieures du Maroc revient sans doute à cette chanteuse corso-séfarade au prénom de série nord-américaine, Jenifer, artiste en perte de vitesse en Europe, et qui pour faire parler d’elle, a profité d’une prestation lors d’un défilé de mode en musique au Maroc, pour mettre en demeure les autorités du pays d’abroger l’article du code pénal en vigueur (d’ailleurs très rarement appliqué) prévoyant jusqu’à 3 ans de prison pour des cas avérés d’homosexualité. De quoi je me mêle, Madame Jenifer ?! Imagine-t-on le tintamarre médiatique qui se déclencherait illico outre-Méditerranée si tel artiste maghrébin profitait d’une performance en Catalogne, sur la Côte-d’Azur ou les bords de Seine, pour prêcher en faveur de la polygamie, de la circoncision ou des aliments halal ?
Pays généralement poli et mesuré, attentif aussi à ses intérêts touristiques ( rien n’est plus volatil que le touriste …), mais jaloux quand même de sa souveraineté, le Maroc s’efforce le plus souvent de ne pas perdre patience devant ce harcèlement moral de plus en plus insistant, y mettant quand même le holà lorsque les bornes de l’outrecuidance sont plus que dépassées, par exemple quand le bateau-clinique d’avorteuses bataves fut interdit à proximité des ports de Chérifie. Les groupes de pression étrangers, culottés mais quand même pas téméraires (et puis Tizi-Ouzou ou même Tipaza n’ont pas les « charmes » de « Kech » ou Essaouira …) usent et abusent de la bienveillance marocaine, mais ils ne se risqueraient évidemment pas à essayer d’aller porter leurs « bonnes paroles » en Algérie, Turquie ou Egypte sans songer un instant même à l’Arabie…
Justement, venons-en maintenant aux sonores manifs désormais programmées à l’avance pour contraindre Rabat à abolir la peine capitale ; Rabat qui bien sagement, n’a pourtant pas exécuté un seul condamné, si grave soit son crime, depuis 1993. Indulgent (et habile), le Maroc vient même d’autoriser sur son sol la tenue, en 2016, d’un « Festival du film contre la peine de mort » (sic) Néanmoins, les vitres trembleront sans doute encore sous les cris des abolitionnistes à Rabat ou Casa, voire Khénifra ou Tétouan, mais aucun danger que ce soit le cas en Chine ( record mondial des exécutions capitales dont le chiffre exact est secret d’Etat), en Iran ( plus de 1000 exécutions en 2015), en Arabie ( 151 en 2015), ou aux Etats-Unis d’Amérique ( 28 en 2015) …
Lire : François Bonjean, « L’âme marocaine vue à travers les croyances et la politesse » , 1948, réédité en 2016 par Afrique-Orient, Casablanca ; Elie Faure « L’âme islamique ou de l’érotisme à l’abstraction », in « D’autres terres en vue », Livre de poche, Paris, 1980