A l’été 2018, Amine Radi balançait sur YouTube un clip, «Gad El Maleh m’a validé».
Avec son hashtag VaDormirVa, il m’avait fait rire. Un rire léger, tout en haussant les épaules. C’est marrant, c’est frais, oui, ça m’avait fait du bien.
Cet air et ces paroles sont très exactement ce qu’il faut pour un été de touffeur marocaine, en tongs et débardeur. J’avais alors pensé: il a l’air sympa, cet étudiant tchatcheur qui nous fait ce petit buzz…
Moins d’un an après ces débuts, Amine Radi se dit aujourd’hui, le plus sérieusement du monde, comédien et humoriste. Il vit à Paris, où il s’était rendu pour ses études, après avoir obtenu son bac à Casablanca.
Amine Radi est jeune, très jeune.
Et puisque tu es jeune, Amine, je vais me permettre de te tutoyer.
«Gad El Maleh m’a validé» t’a valu 1,1 million de vues sur YouTube. C’est cool. Mais pour autant, ça ne fait pas de toi une vedette, d’ailleurs la suite des évènements vient malheureusement le confirmer.
Eh oui: quelques sketches pas vraiment génialissimes plus tard, en avril dernier, soit il y a un mois, voilà que tu récoltes 220.000 vues (et quelques poussières) pour cette daube: «Algéria, Mi amore».
Avoue-le honnêtement, la mayonnaise n’a pas pris.
Amine Radi, s’il te plaît, reconnais-le, ouvre les yeux: ton dernier machin, c’est caca.
Cette histoire aurait pu se terminer ainsi, un petit tour et puis s’en va. Sagement.
Mais voilà que patatras, pas plus tard que samedi dernier, alors que tu te trouvais à Casablanca, tu t’es fait arrêter par un policier.
Tu étais au volant.
Tu es descendu de ta voiture et ça a dégénéré.
Il y avait des caméras de surveillance, et toi, Amine Radi, tu as décidé de te filmer en direct sur Instagram. Tu t’es reçu, au beau milieu de ce direct, un violent coup de pied de la part du policier que tu voulais justement dénoncer auprès de tes abonnés sur ce réseau social.
Ce qu’il s’est passé, juste avant cet instant précis, ce moment où tu as allumé ta caméra, t’es fait brutaliser, ne m’intéresse pas. Eh si.
Je ne veux retenir ici que tes comportements immédiats pendant ce live sur Instagram, et ce que tu as ensuite fait, les jours qui ont suivi le bad buzz que tu as toi-même créé:
- d’abord, te prendre un coup devant ton fan-club, de la part du policier que tu voulais filmer, en direct.
- Aller porter plainte, ensuite.
- Changer d’avis.
- Retirer ta plainte.
- Accorder une interview à un média casablancais, où tu as livré ta version des faits.
- Constater que, suite à ce buzz (qui n’est pas dû à ton talent), tu as désormais un million d’abonnés sur ta page Facebook.
- Fêter ça en fanfare, allongé sur un canapé, juste à côté de deux baudruches gonflables: le chiffre 1 et la lettre M.
Tes déclarations sur ce qui a eu lieu avec les policiers, juste avant ces images en direct que tu as diffusées sur Instagram, la police en contredit une partie. Très officiellement.
Amine Radi, dans moins d’une semaine, les 30 et 31 mai prochains, tu dois te rendre en Algérie, pour présenter un spectacle, un stand up, en deux dates.
Alger, le 30 mai. Un amphithéâtre de 2000 places. La vente des tickets a tout juste commencé hier, mercredi 22 mai.
Oran, le 31 mai. Tu vas ensuite te rendre dans la ville où est né le raï, une musique loin, trèèèèès loin de ce bouchon de cérumen qu’est «Algéria, Mi amore». Tu dois jouer dans un auditorium, donc dans une salle de 270 places au grand maximum.
2000 places à remplir dans la capitale algérienne.
Puis, le lendemain, sans transition, 270 places, au maximum, à Oran.
Soit peu ou prou le dixième de la capacité de l’amphithéâtre d’Alger.
Nous verrons bien si tu vas jouer à guichets fermés. Je n’en sais rien, quant à moi.
Mais laisse-moi te dire ce truc: le 31 mai prochain, celui de ton jour de gloire oranais, sera un vendredi, et comme tous les vendredis depuis trois mois, à partir de la mi-journée, le peuple d’Algérie manifeste à travers tout le pays.
Amine, ce vendredi 31 mai, juste avant de monter sur la scène de l’auditorium où tu vas jouer, regarde bien, dans les rues d’Oran, ces Algériennes, ces Algériens, qui manifestent sans faiblir depuis le 22 février dernier.
Regarde attentivement ce peuple debout et digne, qui réclame sa liberté, qui veut que le système change.
Regarde-les bien, Amine, ces fiers Algériens.
Et pense, à nouveau, à la plainte que tu as déposée à Casablanca, que tu as ensuite décidé de retirer, alors que tu t’es reçu le brutal coup de pied d’un policier.
Et que tu te filmais à ce moment-là, que nous t’avons tous vu te faire molester.
Oui, Amine, tu as raison, ce policier n’avait bien évidemment pas le droit de te frapper. Les Marocains ont été très nombreux à dénoncer cette violence policière.
Mais cette publicité que tu t’es faite n’efface en rien le fait que moins d’un an après ton premier et unique buzz, tu ne viens d’amasser que 220.000 vues.
Cette situation, le dur métier dans lequel tu débutes lui a donné un nom: ça s’appelle un flop.
«Algéria Mi amore», c’est nul, ben oui, même si tu es pétri de bonnes intentions, même si tu y fais le latin lover, y’a rien à faire, mon gars, ce n’est pas bon, ce n’est pas ça.
Je suis sûre et certaine que les Algériens savent aussi bien déceler la médiocrité que les Marocains.
On n’est pas deux peuples frères, deux proches voisins, pour rien.
Et puis les chevilles et la tête qui enflent, quand on n’a pas vraiment de talent, ça va un moment.
PS. Amine, j’ai pas fini, je vais encore t’emmerder un p’tit coup. Je m’adresse encore à toi pour te rappeler ce sketch que tu as joué, qui a été posté à la rentrée, en septembre 2018, juste après ton premier et unique succès pour l’heure, l’estival «Gad El Maleh m’a validé».
Ce sketch, que tu as très vraisemblablement présenté au Jamel Comedy Club, a fait, sur YouTube, 6969 vues à l’écriture de ces lignes. Un sketch loin, très loin, du million de vues de ton buzz YouTubesque estival.
Le titre de ce sketch? «Le Maroc, c’est de la frappe».
Sans déconner. Tu as raison. A Casablanca, le samedi 18 mai dernier, tu l’as prouvé en direct. Sans faire rire personne.