"Hollywood est une grande création. Quand j'étais jeune, je pensais qu'il fallait le détruire. Mais je ne pense plus cela, je pense qu'il doit être réformé", a dit l'acteur, au cours d'un entretien avec plusieurs journalistes. Pour lui, "ce qui a été accompli (par Hollywood) est sensationnel. Mais il y a une perte d'intégrité: il fut un temps où les grands studios portaient l'art et où l'industrie du cinéma essayait de trouver de jeunes nouveaux réalisateurs". "Cela a vite disparu", a ajouté celui qui joue un second rôle dans le dernier film de Martin Scorsese "The Irishman".
Cette épopée de près de 3H30 a été présentée pendant une séance spéciale de la 18e édition du festival de Marrakech. La salle comble a ainsi profité d'une rare occasion de voir ce film réservé aux abonnés de la plateforme Netflix, dont la distribution limitée en salle fait grincer les dents des cinéphiles du monde entier.
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Si M. Scorsese implore les spectateurs de ne pas regarder le film sur leur téléphone, Harvey Keitel a rappelé que le réalisateur américain "n'aurait pas pu faire +The Irishman+ sans les bonnes grâces de Netflix: personne n'en voulait". "Voir les cinémas fermer nous rend tous un peu tristes, mais pour moi, j'ai toujours pensé qu'il faut évoluer avec son temps", a argué Harvey Keitel, qui vient de fêter ses 80 ans.
Il a assuré n'avoir jamais cherché à "travailler avec des réalisateurs très reconnus": "j'ai toujours cherché l'expérience des mots (...), une expérience de vie qui me donne l'impression d'apprendre quelque chose sur ce que je suis, où je vais et comment y arriver". M. Keitel a rappelé avoir accepté le premier rôle dans "Reservoir dogs", le premier film de Quentin Tarantino (1992) qu'il avait soutenu pour trouver des financements. Il a aussi tourné avec l'Australienne Jane Campion (La leçon de piano) et le Français Bertrand Tavernier (Mort en direct).
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Son idéal d'authenticité remonte aux années 1950 à Broadway, à la grande époque d'Elia Kazan, d'Arthur Miller ou de Tennessee Williams, quand "il y avait des gens habités par la nécessité d'être honnête sur scène". "Nous voulions être authentiques, c'était le plus important, il ne s'agissait non pas de ne pas être commercial, parce qu'il faut bien vivre, mais de ne pas être commercialisé". C'est cet esprit "qu'il ne faut pas perdre". A l'heure actuelle, "est-ce que l'authenticité est toujours là ? Oui. Est-ce qu'on pourrait en avoir plus? Moi je dis que oui", a-t-il estimé.
Son seul regret? "ne pas avoir fini ses études et avoir commencé sa vie comme Marine", même si cette "grande expérience" lui a permis de forger son physique et son mental. "Je viens d'un milieu très modeste (...) j'avais 16 ans, je voulais devenir quelqu'un" et, avec deux amis, "nous avons décidé de rejoindre les Marines pour devenir des héros", a rappelé ce fils d'immigrants roumano-polonais. Il a ensuite "travaillé dur" et eu "beaucoup de chance, quelque chose d'indispensable qui ne s'achète pas".