Exclusivité-Le360. Ep7. Les bonnes feuilles de «Big Data Djihad», un roman de Hicham Lasri

Hicham Lasri montre son cinquième roman, «Big Data Djihad», paru aux éditions Outsiders. 

Hicham Lasri montre son cinquième roman, «Big Data Djihad», paru aux éditions Outsiders.  . Editions Outsiders

Artiste conceptuel et écrivain reconnu, Hicham Lasri fait un retour fracassant avec un cinquième roman, «Big Data Djihad», une déclaration de désamour sur fond de science-fiction et de frictions digitales, mais aussi le récit d’une catastrophe virtuelle, sans oublier une Revenge Fantasy. En voici les bonnes feuilles, un épisode après l’autre.

Le 24/09/2022 à 10h06

«Big Data Djihad», c’est une histoire d’amour vache, de réseaux sociaux HS, des émotions édulcorées, un Dieu qui ne compte que les larmes des femmes, un monde «qui pue la merde» car peuplé de «trous de balles». Dans un registre cru, Hicham Lasri dépeint donc une humanité enracinée dans la peur, qui fait le sel du monde moderne.

Le360 vous convie à découvrir les bonnes feuilles d’un roman décrivant un anti-héros génial, qui casse Internet pour punir une influenceuse qui l’a quitté, sans que toutes les polices du monde ne parviennent à savoir ni comment, ni pourquoi.

Je suis dans mon laboratoire, les gens autour de moi ne sont que des ombres expressionnistes anguleuses, beaucoup de gens cherchent à me parler, mais je n’enlève pas mes AirPods Pro coincés sur le mode Réduction du bruit. Il y a des dizaines de personnes qui veulent me parler pour s’assurer d’être aux premières loges quand mon magnifique, mirifique, sublime produit sera mis aux enchères. Je suis entouré de souffleurs sur la braise, une population qui adore se mettre à genoux pour souffler des Ave Maria sur ma braguette ouverte. Tout le monde veut en être. Ce capitalisme sauvage me permet de passer en mode Gros con prétentieux sans que personne n’y trouve à redire. Mon directeur veut savoir comment ça marche.

Il va attendre comme les autres. Les formules et les plans sont dans ma tête, personne ne peut y accéder et toutes les tentatives d’espionnage industriel ont échoué, j’en vois les carcasses sur les rivages des plages désertes de mon intransigeance et de ma paranoïa. Je n’ai révélé à personne que le produit sera vendu en spray, donc je leur donne l’impression que la téléportation sera effectuée dans une sorte de cube de chez Dacia. Personne n’y voit mon puéril hommage à la DeLorean. Tant pis pour eux. Les actions de chez Dacia ont explosé. Voilà, je joue.

Un enfant avec des cubes alphabétiques. J’ai même ajouté des messages sur les surfaces des cubes alphabétiques Dacia, mais personne ne semble avoir les yeux en face des trous, ou alors personne ne sait lire. Je me suis amusé à mettre un message d’une clarté aveuglante, l’histoire me pardonnera pour ce prank, dans dix ans peut-être, mais il fallait lire le message : STOPNGO, oui STOP & GO. Mais au lieu de lire un message, ils ont commencé à nommer mon invention

STOPENGO...

STOPENGO !

L’horreur, l’horreur.

STOPENGO !

Certains adeptes du myth-building ont cherché le récit fondateur derrière ce néologisme, j’ai laissé faire les esprits fiévreux qui veulent découvrir le secret et avoir l’impression de faire partie de la légende. Ce con de Steve Jobs a fait du bon travail en fin de compte, il a mis des chaînes invisibles sur les nouveaux esclaves du consumérisme corporate...Personne n’aura mon invention, et surtout pas avant que je ne règle une affaire personnelle d’une importance capitale.

Qui se rappelle de ce slogan :

L’angle de deux murs connaît-il une fin heureuse ?

STOP and GO. Quel idiot ira penser que le voyage du futur, la téléportation, se fera dans ce monument en carton qu’est la Dacia ? Des idiots ! Voilà, des idiots, et les idiots il faut les laisser souffrir au maximum, on gagne des points avec

Lady Karma à torturer les idiots et les bêtes. Il suffit de regarder les supporters de foot, les quémandeurs de gratuité, ceux qui attendent le Black Friday, les acharnés de McDo, les hérauts de Flunch, Crunch, Quick, Burger King, KFC, Pizza Hut, Subway et toute cette merde que les gens avalent avant de nous chier de la méta-merde. C’est ce qui arrive quand tu manges de la merde. Oui, il faut les laisser souffrir. Leur douleur nourrit les étoiles mourantes, et probablement empêche l’univers de s’effriter. Faites-les souffrir, ces cons !

Faites-leur manger la poussière et la merde... Souffrez, souffrez, il en restera toujours quelque chose.

STOP & GO...

Mon message ne peut pas être plus explicite. Mon système nerveux est chargé d’autre chose de plus important, de capital.

Je n’ai pas le temps de me consacrer à des jeux stupides... Je ne veux pas fourvoyer les gens, mais l’avarice s’occupera de les enterrer. Une manière comme une autre d’aller au Paradis.

À la télé passe un vieux programme ; on ne dit plus feuilleton, série ou télé-feuilleton, on dit show. Comme si changer de langue permettait de se donner plus d’importance, d’intelligence, ou de prendre la pole position dans la course.

Par Le360
Le 24/09/2022 à 10h06