L'un des clichés représente deux enfants assis dans l'herbe regardant le photographe avec, entre les deux et couchée de côté, une table caractéristique des hautes terres d'Ethiopie. Sur une autre photo, un garçon lave dans un récipient en poterie les pieds d'un jeune noble assis sur un pliant, lance à la main et bouclier posé près de lui. La troisième image montre un paysage éthiopien avec une grande fortification en arrière-plan, la citadelle du ras Dargué. "C'est en faisant des recherches dans les fonds d'archives publiques et privées en Europe et en Ethiopie que j'ai découvert au Weltmuseum de Vienne, en Autriche, trois photographies que le savant autrichien Philipp Paulitschke attribue à Arthur Rimbaud", explique le découvreur Hugues Fontaine, commissaire de l'exposition "Rimbaud Photographe" qui va s'ouvrir à Charleville-Mézières.
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Les pas de ce photographe originaire d'Arras dans le nord de la France, spécialiste en histoire visuelle sur les voyageurs de la fin du XIXème dans la Corne de l'Afrique, ont bien souvent croisé les semelles de vent du poète-aventurier en Ethiopie comme au Yémen. Il formule une hypothèse sur l'origine de ses découvertes. "Ces trois photographies pourraient avoir été prises entre le 1er et le 20 mai 1887 durant un itinéraire en Ethiopie qui conduit Arthur Rimbaud et l'explorateur Jules Borelli d'Endotto, ville où le roi du Choa, Ménélik II, a établi l'une de ses résidences, jusqu'à Harar que le roi vient de conquérir", estime-t-il. La nouvelle de cette découverte est une sensation dans le monde rimbaldien. Seules sept photographies prises par le poète en 1883, dont trois autoportraits, étaient jusqu'à présent connues des historiens et des amateurs. Six sont exposées au Musée Rimbaud de Charleville-Mézières et une conservée à la Bibliothèque nationale de France (BNF). "C'est très difficile de trouver de nouvelles photographies que l'on peut attribuer à Arthur Rimbaud. En trouver trois d'un coup, c'est vraiment exceptionnel. Les cerises sur le gâteau de l'exposition!", s'enthousiasme Hugues Fontaine. Pour le commissaire, cette découverte pose cependant autant de questions qu'elle en règle.
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"Dans quelles circonstances Philipp Paulitschke a-t-il obtenu les photos de Rimbaud alors qu'il était au Harar en 1885 et que les photos ont été prises en 1887? Les deux hommes étaient-ils restés en contact? Dans quelles conditions ces clichés ont-ils été pris? A quel endroit précisément? Pourquoi?", énumère-t-il. "La recherche est un processus ouvert et j'espère que l'avenir nous apportera de nouveaux éléments pour documenter mieux encore cette découverte", ajoute Hugues Fontaine. Son espoir est d'autant plus vif qu'il reste convaincu que, quelque part dans la poussière d'archives oubliées, d'autres photographies réalisées par Arthur Rimbaud attendent encore d'être découvertes. Installé à Harar, dans l'est de l'Ethiopie, au début des années 1880, le poète devenu négociant s'était aussi fait photographe pour, écrit-il à sa soeur Isabelle, "capturer des choses curieuses" et les donner à voir en France. Il réalisera ainsi des cartes pour illustrer un ouvrage sur la ville d'Harar et le pays Galla ainsi que des portraits. La chasse aux trésors est loin d'être terminée. L'exposition "Rimbaud Photographe" se tiendra du 18 mai au 13 octobre au Musée Rimbaud de Charleville-Mézières.