Littérature africaine. Entretien avec l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop, hôte de l’Académie du Royaume du Maroc

Entretien avec l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop, hôte de l’Académie du Royaume du Maroc

Lors du colloque international consacré à la littérature africaine, organisé par l’Académie du Royaume du Maroc cette fin de semaine à Rabat. (Crédit: Yassine Mannan/Le360)

Le 19/05/2024 à 20h35

VidéoL’Académie du Royaume du Maroc vient d’organiser en fin de semaine à Rabat un colloque international dédié à la littérature africaine et auquel a participé notamment l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop, auteur du roman à succès «Murambin, le livre des ossements», sur le génocide des Tutsis au Rwanda.

Cet écrivain s’est récemment distingué par la publication d’une lettre ouverte visant notamment le nouveau président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, dans laquelle il recommande la nécessité de promouvoir l’utilisation de la langue nationale wolof comme principal outil d’écriture au Sénégal.

À ce colloque, le secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, Abdeljalil Lahjomri a ouvert la conférence de deux jours dédiée à «La classification des littérateurs africains et afrodescendants». Cet évènement a été animé par Eugène Ebodé, administrateur de la Chaire des littératures et des arts africains issue de l’Académie du Royaume du Maroc. Cette chaire, selon l’Académie, a pour «ambition le décloisonnement, la valorisation et la circulation du patrimoine culturel africain en Afrique».

Dans une présentation, cette prestigieuse Académie du Royaume du Maroc, explique l’intérêt qu’elle porte à la littérature africaine en «mobilisant des auteurs et des autrices distingués et des universitaires de renom pour approfondir les échanges d’idées sur les échelles de la littérature».

Le colloque a par ailleurs rendu hommage au grand écrivain sénégalais feu Amadou Hampaté Bâ, «Le sage de Marcory» comme se plaisaient à le surnommer ses amis. Soulignant les apports de cet écrivain, décédé il y a 33 ans, l’Académie du Royaume du Maroc a rappelé à cette occasion l’une de ses prestigieuses phrases, quand il avait affirmé: «Mes phrases ne sont pas de moi, mais du continent

Ce colloque a vu la participation d’une pléiade d’académiciens et d’écrivains comme le sénégalais Boubacar Boris Diop et le camerounais Ambroise Kom, auteurs de plusieurs ouvrages. L’écrivain sénégalais, Boubacar Boris Diop, hôte de marque de cette conférence, y a développé le thème sur «L’approche linguistique de deux auteurs de la même génération, Nguig Wa Thiong’o du Kenya et Cheikh Aliou Ndao du Sénégal».

Dans l’entretien qu’il nous a accordé, l’écrivain Boubacar Boris Diop a félicité l’Académie du Royaume du Maroc pour «sa célébrité et son travail», loin de tout «alibi». «Je trouve qu’elle fonctionne très bien», cette institution, a-t-il affirmé. «Je trouve magnifique le fait d’avoir choisi pour le colloque la date du 15 mai», la mort il y a 33 ans de l’écrivain Amadou Hambaté Bâ, grande figure «de la pensée universelle».

À propos de sa lettre ouverte au chef de l’État et au Premier ministre du Sénégal concernant la promotion de la langue wolof, l’écrivain Boubacar Boris Diop s’est déclaré satisfait que sa lettre ouverte ait reçu un écho favorable de la part des autorités du pays. «On l’a fait (les écrivains sénégalais, NDLR) parce qu’on sent que l’heure est venue. Il y a quelques années, cela aurait été volontairement de prêcher dans le désert que de le demander à quelque président que ce soit».

Et d’ajouter que «l’heure est venue parce qu’il y a une prise de conscience dans la plupart des pays africains y compris le Sénégal, mais aussi l’heure est venue parce qu’au Sénégal on a un nouveau régime de deux jeunes dirigeants (50 ans chacun, NDLR) en qui nous avons confiance et nous avons pensé qu’ils prêteraient une oreille attentive à nos propos». L’écrivain a noté en outre que «le dernier conseil des ministres qui s’est réuni récemment a tenu à insister sur l’importance des langues nationales».

Boubacar Boris Diop a d’autre part évoqué son livre «Murambin, le livre des ossements» sur le génocide des Tutsis. Quand on donne «les chiffres sur ce génocide, cela donne des vertiges», a-t-il martelé. «Pendant 100 jours, on a tué chaque jour sans interruption et dans des conditions épouvantables 10.000 personnes. Un génocide complètement planifié», a-t-il déploré en guise de conclusion.

Par Mohamed Chakir Alaoui et Yassine Mannan
Le 19/05/2024 à 20h35