Le Bleu du caftan, le dernier long-métrage de Maryam Touzani, a déjà décroché une dizaine de prix dans plusieurs festivals à l’international. Le film, projeté en compétition au Festival international du film de Marrakech, questionne le rapport à l’homosexualité, la question du sacrifice, du poids des traditions et de l’acceptation. La réalisatrice en parle dans cette interview avec Le360.
«Le Bleu du caftan», en compétition au Festival international du film de Marrakech, vous l’avez écrit avec votre mari, Nabil Ayouch. Qu’est-ce qui a conditionné le processus d’écriture de votre film?Le Bleu du caftan, j’ai commencé à l’écrire, de manière assez spontanée. J’avais fait une rencontre avec un monsieur, il y a un certain temps, lorsque je faisais mon repérage pour mon précédent film Adam. J’avais été très touchée par tous les non-dits que je sentais peser sur sa vie. Je suis allée le revoir à plusieurs reprises. C’était une très forte inspiration pour moi. Plus tard, j’ai compris pourquoi. En fait, il me ramenait à des hommes que j’avais vu à plusieurs reprises, des histoires que j’avais entendues, des couples dont le mari était homosexuel, mais personne n’en parlait ouvertement. J’ai vraiment grandi avec ça. Et tout à coup, la violence de ce que vivait cet homme était incarnée.
«Le Bleu du caftan» fait référence à l’homosexualité, la religion, la maladie, l’amour, le poids des traditions… Ce n’est pas un peu trop pour une seule histoire?Je crois que tous les êtres sont complexes. Nos vies sont complexes, nos relations sont complexes. Il n’y a pas un seul sujet dans nos vies. C’est ce qu’il y a de plus beau dans l’être humain. J’avais envie de raconter des êtres et chaque être traîne avec lui sa propre histoire, sa propre lutte, ses propres caractéristiques. Je crois qu’on simplifie trop les choses, mais à un moment, il faut se laisser l’opportunité d’aller vers la complexité des relations.
Le personnage principal, Halim, répète qu’il n’a pas fini le caftan… Est-ce à dire qu’il n’assume toujours pas son orientation sexuelle?Halim n’a pas fini ce caftan, car il n’a pas envie de donner ce caftan, car il y a quelque chose de plus fort que lui. Halim est perfectionniste, il veut s’assurer que tout est parfaitement fait, qu’il est impeccable avant de le livrer.
Lubna Azabal, Salah Bekri, à la carrière internationale, jouent les rôles principaux. Pourquoi un casting à l’étranger?Dans les rôles principaux, on a Ayoub Missioui, un acteur marocain magnifique, avec un talent incroyable. On a Lubna Azabal qui est une comédienne maroco-belge et il y a Salah Bekri.
Lire aussi : Trois nouvelles récompenses pour «Le Bleu du caftan» de Maryam Touzani
En écrivant le film, j’avais déjà Lubna en tête. Elle a joué déjà dans mon précédent film, Adam, et j’ai appris à la connaître. Je savais pertinemment que j’allais pouvoir trouver la Mina que je cherchais à travers Lubna. Je savais qu’on allait pouvoir aller ensemble chercher ce personnage parce que c’est un personnage très complexe et que Lubna allait pouvoir creuser et trouver Mina.
Et pour Halim, j’ai fait un casting national qui a duré des mois au Maroc. Nous avons des comédiens magnifiques, talentueux, mais je n’ai pas trouvé le Halim que j’avais imaginé.
«Le Bleu du caftan», un film pour bousculer les codes de l’acceptation et de la tolérance du public marocain?Ce film est fait pour parler de choses qui me touchent profondément. Et à travers ces personnages, justement, on va pouvoir sortir de nos zones de confort et ne pas avoir peur d’en sortir. Et je pense, à travers l’émotion et l’expérience d’un personnage, qu’on arrive à le comprendre et à se poser des questions.