Touria Hadraoui ou comment chanter (et vivre) le Malhoun, un art à 100% marocain

Touria Hadraoui, à quelques années d'écart. 

Touria Hadraoui, à quelques années d'écart.  . Khadija Sabbar / Le360 (Photomontage)

Le 12/06/2022 à 19h58

VidéoUne des plus grandes voix féminines du Malhoun, Touria Hadraoui a également été celle qui a brisé le «monopole» des hommes sur cet art à 100% marocain. Dans cet entretien, elle revient sur ses débuts dans cet art ainsi que sa relation à l’écriture, Hadraoui étant également une autrice.

Elle est à la fois écrivaine et chanteuse, mais c’est surtout par sa voix inégalée dans cet art ancestral qu’est le Malhoun que Touria Hadraoui est la plus connue. Dans cet entretien pour Le360, elle nous dit être heureuse dans les deux exercices. «Je fais en sorte que les deux occupations ne s’entre-chevauchent pas. Quand je donne des spectacles, je m’abstiens d’écrire et vice-versa. Chaque activité requière une disposition et une énergie différente. Ce sont deux univers différents: l’écriture exige d’être pieds sur terre, le sujet étant le réel. Quand je chante, je suis par contre en apesanteur. L’équilibre se fait de lui-même», résume-t-elle.

Sa découverte du Malhoun, affirme-t-elle, était celle de toute une culture, la marocaine. «Le Malhoun m’a fait entrer dans toute l’histoire du Maroc et m’a ouvert bien des portes. A commencer par celle de la culture arabo-musulmane, vu qu’au départ, j’étais essentiellement influencée par la culture et la philosophie occidentales et j’étais, j’avoue, fermée à tout ce qui est patrimoine», raconte Touria Hadraoui.

Sur sa carrière de chanteuse, l’artiste affirme avoir évolué graduellement. «J’en parle dans mon livre "En quête d’une voix": j’ai d’abord commencé en reprenant des classiques venus d’Orient comme ceux d’Oum Kalthoum, Cheikh Imam ou Fouad Najm. J’ai par la suite intégré un groupe, Choûla (La Flamme) en axant mon travail sur l’art engagé. C’est au bout d’un long parcours que j’ai découvert le Malhoun et depuis, j’y suis restée», relate la chanteuse. Pour elle, c’était un appel et il fallait du vécu pour pouvoir y répondre.

Une des étapes importantes de ce parcours aura été sa rencontre avec le pianiste et jazzman russo-américain Simon Nabatov. Touria Hadraoui dit à ce propos que c’est elle qui en a pris l’initiative: «je voulais à tout prix être accompagnée par un piano dans mes chants et c’est ainsi que j’ai formulé ce vœu au directeur de l’Institut Goethe de Rabat, qui a transmis ma demande à sa direction, à Berlin. La collaboration est venue de là et nous avions commencé avec un spectacle à la cathédrale de Rabat qui a eu un grand succès. Nous avons par la suite enchaîné les concerts au Maroc et ailleurs, en France, en Belgique et aux Pays-Bas notamment», se souvient la chanteuse.

Une innovation en entraînant une autre, Touria Hadraoui revient également sur le fait d’avoir introduit une façon contemporaine de chanter le Malhoun, avec des instruments dits modernes. «C’est la façon de travailler qui prime sur les instruments. Cela reflète non seulement une façon de jouer ou de chanter, mais de vivre et de réfléchir». Une manière de dire que le Malhoun peut aussi vivre avec son temps, et est ouvert à de nouvelles ouvertures et à de la créativité.

Par Achraf El Hassani et Khalil Essalak
Le 12/06/2022 à 19h58