Cette question angoissée est l'un des moments forts de la vidéo "La Syrie par WhatsApp" présentée à Dubaï dans une exposition sur les réfugiés, qui offre aussi jusqu'au 7 avril des photographies du Syrien Omar Imam et de la Franco-marocaine Leila Alaoui, récemment décédée dans un attentat au Burkina Faso.
La vidéo de la Jordanienne Tanya Habjouqa puise dans le quotidien des réfugiés qui arrivent à rétablir le contact avec les leurs grâce aux réseaux sociaux.
Ici, un enfant tenant un téléphone mobile dans un camp de réfugiés en Jordanie. Là, des "selfies" envoyés par ceux ayant réussi la traversée vers l'Europe.
Les dialogues ressemblent, en dépit de la distance, à ceux de tous les jours. Une fillette demande à son père de lui acheter "une robe, blanche, grise et rose". Un garçon crie "Papa, papa" en voyant l'image de son père sur un écran de smartphone. Un mari susurre à son épouse: "Qu'est-ce j'aimerais être à tes côtés le matin et te préparer le café".
Ces contacts intimes marquent les retrouvailles entre un membre d'une famille et les siens après le silence pendant lequel il a traversé la Méditerranée ou des montagnes pour arriver en Europe.
"Pour les mères et les enfants, le plus dur, c'est la perte de contact" qui peut parfois être longue, explique à l'AFP la réalisatrice jordanienne.
Pour elle, la vidéo, mieux que la photographie, arrive à saisir les moments intenses et les "sentiments profonds", et à "illustrer au mieux la souffrance" des réfugiés.
Honorer les artistes"C'est une histoire d'aujourd'hui, une histoire de tous les jours, une histoire humaine", résume Elie Doumit, directeur de la galerie East Wing, à propos de l'exposition. "Ce qui nous donne un grand plaisir, c'est de pouvoir honorer le travail de ces artistes, de ces grands photographes qui valorisent exactement ce qui se passe aujourd'hui".
Le Syrien Omar Imam a une prédilection pour la photographie en noir et blanc pour illustrer la manière dont les réfugiés s'adaptent à leurs nouvelles conditions de vie.
Comment mettre du pain sur la table lorsqu'il n'y en a pas? Ses clichés tentent d'y répondre en montrant une mère de famille avec une table dressée et pour toute nourriture de l'herbe arrachée dans un champ. La légende explique que la mère s'est efforcée de manger de l'herbe pour que ses enfants fassent de même.
Egalement cinéaste, Omar Imam propose un court-métrage sur une fillette qui n'a gardé de sa famille qu'une seule photographie.
"J'ai voulu dépeindre des personnes réelles, non pas celles qu'on voit dans les bulletins d'information (...) car je veux présenter une image alternative à un public intéressé par la condition surréaliste des Syriens", a-t-il expliqué par courriel à l'AFP, n'ayant pas obtenu de visa pour assister à l'exposition.
Hommage à Leila Alaoui"Echanger ces connaissance n'est pas un luxe pour intellectuels mais un besoin pour se protéger des ignorants et des terroristes", ajoute ce réalisateur qui a quitté son pays en 2012.
L'exposition est organisée en partie en hommage à Leila Alaoui, décédée en janvier après avoir été grièvement blessée dans un attentat jihadiste à Ouagadougou alors qu'elle effectuait une mission au Burkina Faso pour le compte d'Amnesty International.
Cette photographe a beaucoup travaillé sur les migrants en provenance de l'Afrique subsaharienne.
Dans un de ses films, elle interroge ainsi une femme qui dit avoir quitté son pays "en raison d'une situation difficile et du manque de travail". "J'ai quatre enfants et des petits-enfants que j'ai laissés chez ma mère", explique cette migrante économique qui veut atteindre l'Europe, comme en rêvent des millions d'Africains dans le besoin.