"Mes cheveux étaient sens dessus dessous, j'ai dû utiliser des chapeaux pour les cacher", s'amuse Sandra Jacobs, une des premières clientes à franchir, dès minuit, les portes d'un salon de coiffure dans le quartier londonien de Camden. Malgré le port du masque et les écrans de protection, sa première coupe est "un tel soulagement, vous n'avez pas idée !", confie-t-elle à l'agence britannique PA.
Dans la ville de Runcorn (ouest de l'Angleterre), Jennifer Wilson et Louise Arnold n'ont aussi pas voulu perdre une minute: les deux femmes se sont dit "oui" à minuit, devenant le premier couple à se marier depuis l'instauration du confinement le 23 mars pour limiter la propagation de l'épidémie de nouveau coronavirus.
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Entré tardivement dans le confinement, le Royaume-Uni est encore plus à la traîne par rapport à ses voisins européens pour en sortir. Loin d'être vaincu, le virus qui a tué 44.000 personnes dans le pays - le plus lourd bilan en Europe - a repris de la vigueur à Leicester, conduisant les autorités à reconfiner une zone de 600.000 habitants. Mais à l'échelle de l'Angleterre, les pubs, hôtels, salons de coiffure, cinémas et musées rouvrent leurs portes samedi, un redémarrage jugé cependant trop rapide par les autres provinces britanniques, ayant adopté leur propre calendrier de déconfinement.
Dans un pub du nord de Londres, Andrew Slawinski, 54 ans, déguste sa première pinte - une Guinness- depuis trois mois. C'est "magnifique", estime-t-il, "C'est comme gagner la Premier League". Service à table plutôt qu'au bar, signalétique dédiée, maintien de la distanciation physique, la convivialité des pubs n'est désormais plus la même dans cette "nouvelle normalité".
Mais Clive Watson, fondateur de City Pub Group, qui rassemble 47 pubs dans le sud de l'Angleterre et au Pays de Galles, s'attend néanmoins à un jour "historique" pour le secteur: "Cela a été incroyablement dur pour nous et nos clients". La fermeture des pubs, inédite depuis la peste de 1665, a entraîné une baisse sans précédent de la consommation de bière.
Leur réouverture pourrait attirer ce week-end 6,5 millions de visiteurs, selon le cercle de réflexion CEBR. Mais d'ici à la fin de l'année, la British Beer and Pub Association craint la fermeture de 40% des pubs, soit 18.000 établissements incapables de se relever.
En visite dans un pub de l'Ouest londonien, le ministre des Finances Rishi Sunak a salué samedi matin la "bonne nouvelle" de la réouverture des pubs et bars, rappelant qu'ils constituaient un "élément vital" de l'économie britannique, employant près "d'un demi-million de personnes". Dans une interview au Times, le ministre a encouragé les Britanniques à "manger dehors pour soutenir" l'emploi dans la restauration.
Mais cette réouverture ne se fait pas sans inquiétude vis-à-vis des risques sanitaires que causerait une possible ruée dans les pubs. Dans un communiqué commun, représentants des hôtels, pubs et de la police ont appelé les clients à se comporter de manière "responsable" et pour aider les professionnels "à rouvrir de la meilleure manière possible". La police s'attend à une activité aussi importante que lors d'un jour de l'An, a expliqué Tim Clarke, de la Metropolitan Police Federation, qui représente les officiers. Selon lui, il pourrait s'agir pour les forces de l'ordre de "tout sauf un super samedi".
Les hôpitaux, qui soufflent à peine après le pic de la pandémie, craignent une pression accrue. "Avant le Covid-19, les vendredi et samedi, les urgences ressemblaient parfois à un cirque rempli de clowns ivres", a déclaré Brian Booth, responsable de la fédération des policiers du West Yorkshire. "On n'a pas besoin que ça recommence".
Les Anglais seront-ils si nombreux à franchir le seuil de leur pub préféré? Selon un son sondage YouGov pour la chaîne Sky News, 70% des sondés ne se sentent pas à l'aise à l'idée d'aller au pub ou au cinéma, 60% à l'idée d'aller au restaurant.