"Eric Laurent a reconnu durant sa garde à vue, entamée jeudi soir, avoir formulé une offre de 3 puis 2 millions d'euros au Maroc pour le renoncement de la publication d'un livre" sur le Royaume, co-écrit avec la journaliste Catherine Graciet, indique une source proche du dossier. Les deux journalistes français ont été mis en examen dans la nuit de vendredi à samedi par un juge d'instruction parisien pour chantage et extorsion de fonds. Ils ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire.
Victime ou escroc, Eric Laurent s'est expliqué ce matin au micro de RTL qui avait révélé l'affaire. Malgré des charges accablantes, le journaliste soutient qu'il est tombé dans un traquenard. Il affirme que sa consœur et lui n'ont jamais demandé d'argent mais ont succombé à la tentation de l'argent facile, “d'en toucher beaucoup d'un seul coup. 1million d'euros pour chacun au final.”
Dans un entretien accordé au site du journal Le Monde, Eric Laurent revient sur les trois rencontres qu'il a eues avec l'émissaire du royaume marocain, Hicham Naciri. Le premier s'est déroulé le 11 août, à Paris, à l'hôtel Royal Montceau. Le journaliste affirme alors être venu pour croiser des informations en sa possession qu’il voulait vérifier avant de les publier. Au cours de l’entretien, il se serait fait proposer une transaction par l’émissaire du Palais. «Il me dit: ‘'On pourrait peut-être envisager une rémunération, une transaction en contrepartie d'un retrait écrit''… Il va insister tout au long des réunions suivantes pour que nous livrions nos sources», assure le journaliste.
«C’est une tentation, pas un chantage»Le 23 août lors de la deuxième rencontre, son interlocuteur reformule «tout ce que nous avions échangé la semaine précédente, y compris cette somme de trois millions d'euros, qu'il met dans ma bouche». Eric Laurent explique que l'enquête lui faisait peur et qu'il s'interrogeait sur ses conséquences politiques. Il a accepté l'accord parce que «la proposition que l'on m'a faite me paraissait être un compromis». Le journaliste reconnaît avoir failli à la déontologie qui régit la profession : « Comme je n’avais pas l’esprit de vindicte, j’ai dit… voilà. C’est une tentation, pas un chantage.»
Enfin, encore plus cocasse, Eric Laurent dit avoir eu peur lorsque la voiture de police, qui l'emmenait pour être interrogé, a emprunté le périphérique et s'est dirigée vers Orly. «J'ai eu l'impression d'être dans la situation de Ben Barka … J'ai cru que j'allais être embarqué dans un avion et me retrouver au Maroc.»
Le journaliste dénonce l'emballement des médias où «la seule voix relayée constamment a été celle de Me Dupont Moretti (avocat du royaume marocain)».
"Tombée dans un piège”Alors que sa coauteure, Catherine Graciet, l'accuse d'avoir tout organisé, il affirme l'avoir tenu au courant de l'ensemble de ses échanges avec l'émissaire du royaume marocain. Il sous-entend même que c'est elle qui aurait rédigé l'accord qu'ils ont signé. «J'aurais été le meilleur des amis de lui proposer la moitié après avoir tout organisé seul», se défend-il dans cet entretien au Monde.
Dans une interview au Parisien de lundi, Catherine Graciet, elle, a estimé "être tombée dans un piège" et pointe également la monarchie marocaine: "C'est le Palais qui propose".
Cette affaire rocambolesque intervient alors que les relations, souvent passionnées, entre le Royaume chérifien et la France connaissent une embellie, après plus d'un an de brouille provoquée par une autre affaire judiciaire, une enquête française portant sur des accusations à l'encontre du chef du contre-espionnage marocain.