Les nominations de Youssef Amrani à Bruxelles et de Mohamed Benchaaboun, au poste d’ambassadeur du Royaume à Paris, "loin d’être anodines" sont "survenues quelques semaines après les tensions entre le Royaume et l’Europe autour de Ceuta et la question de la migration, et après la très médiatisée affaire Pegasus, elles donnent un indice des objectifs diplomatiques marocains avec la France, mais également avec l’Europe", estime Jeune Afrique, dans un article mis en ligne hier, mardi 19 octobre 2021.
"A Bruxelles, c’est d’ailleurs une logique offensive qui semble avoir guidé au choix de Youssef Amrani. Diplomate chevronné, homme des négociations et des missions délicates, envoyé habituellement dans les zones «hostiles» au royaume, comme en Amérique du Sud dans les années 1990 ou récemment en Afrique du Sud, il est nommé aujourd’hui ambassadeur auprès de l’UE près de deux semaines après un avis (non exécutif) de la Cour européenne de justice concernant deux accords de libre-échange portant sur les produits agricoles et la pêche issus du Sahara, et qui ne va pas dans le sens de la position marocaine", indique le magazine.
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Le premier rôle de Youssef Amrani, ajoute Jeune Afrique, sera de rassurer l’Union européenne à ce sujet: le Maroc demeurera un partenaire fiable sur les sujets sensibles de la migration ou la sécurité.
"Mais au-delà de cet aspect, poursuit l'auteure de cet article, Youssef Amrani aura la mission délicate de rallier l’UE à la cause nationale numéro une du royaume: le Sahara, dossier qu’il maîtrise sur le bout des doigts. Objectif: amener l’Europe à reconnaître la marocanité des provinces du Sud, à l’instar de ce qu’ont fait les Etats-Unis".
Selon le média panafricain, il s’agit d’une mission "assez musclée" qui attend l’ancien chargé de mission au Palais royal, car, explique-t-on, pour infléchir des positions en Europe, il faut nouer des partenariats et contrer le discours porté par l’Algérie –qui a également ses entrées à Bruxelles.
"Et en cas d’offensive, il devra passer, comme le fait Omar Hilale aux Nations unies, à l’attaque, notamment au moment de la renégociation des accords de pêche ou des accords agricoles, durant lesquels se pose régulièrement la question de la marocanité ou pas des produits provenant des régions du Sud", précise Jeune Afrique, ajoutant que l’autre mission qui attend Youssef Amrani, "et non des moindres", sera de "renégocier les accords d’association qui lient le Maroc et l’UE, une position exprimée plusieurs fois par de hauts responsables marocains".
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"Il doit pousser l’Europe à revoir les accords avec le Maroc, noués dans les années 1990, et qui correspondaient à la conjoncture au moment de leur signature. Le Maroc de 2021 n’est pas celui de 1996. Ces vingt dernières années, le royaume est passé dans le classement «Doing Business» de la 117e à la 53e position. Cela veut tout dire… ", commente un analyste économique, cité par Jeune Afrique.
Cette refonte de la relation Maroc-UE pour laquelle plaide l’ancien ambassadeur du Royaume à l’UE Fathallah Sijilmassi ainsi que d’autres figures de la diplomatie marocaine consiste à "sortir du schéma classique du libre-échange pour s’étendre à la construction d’un espace économique et géostratégique plus élargi: Europe-Méditerranée-Afrique", déclarait le diplomate, à la suite de la publication d’un livre dédié au sujet, L’Avenir de l’Europe est au sud, co-édité en 2019 par les think tanks Centre for European Policy Studies (CEPS, à Bruxelles) et l'Euro-Mediterranean Economists Association (EMEA, à Barcelone), rappelle enfin Jeune Afrique.