Affaibli, le PJD ne dispose comme leviers d’action que les réseaux sociaux et la société civile. «C’est suffisant pour être gênant, mais pas assez pour incarner un contre-pouvoir», estime Jeune Afrique dans un article mis en ligne sous le titre «Maroc: Abdelilah Benkirane de retour à la tête du PJD».
«Tenu à l’écart de la politique depuis 2017, Abdelilah Benkirane fait son grand retour à la tête du PJD, un parti qu’il a déjà dirigé entre 2008 et 2017. Le leader déchu mais incontesté de la formation islamiste a été élu à la tête du secrétariat général du Parti de la Lampe lors d’un congrès extraordinaire à Bouznika, samedi 30 octobre», rapporte Jeune Afrique.
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«Sa victoire est écrasante : 1.112 voix, soit 89 % des 1.250 inscrits. Face à lui, ses deux principaux rivaux ont essuyé une large défaite: Abdelaziz Omari, ex-maire de Casablanca et candidat privilégié par le secrétariat général sortant du parti (dirigé par l’ex-chef de gouvernement, Saâdedine El Otmani) a obtenu 231 voix. Quant à Abdellah Bouanou, le très dynamique chef du groupe parlementaire PJD, il n’a reçu que 15 voix», indique le magazine.
«Au lendemain de la débâcle du PJD aux élections législatives, régionales et communales du 8 septembre et de la victoire du RNI, la base du parti a donc préféré s’en remettre à une figure historique et fondatrice du parti, plutôt qu’à un réformateur, héritier du courant, incarné par El Otmani par exemple, ou à un profil plus jeune et technocratique comme Bouanou», précise-t-on.
Selon Jeune Afrique, au sein du PJD et ailleurs, ce retour de Benkirane est perçu comme une réaction émotionnelle. Au-delà de ses qualités de tribun, Benkirane demeure en effet, dans les mémoires, l’architecte et le gardien des victoires politiques du parti en 2011, 2015 puis 2016.
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«Est-ce que cela suffira? Qu'a-t-il réellement à proposer aux militants et aux Marocains? Désormais, le parti a besoin de couper le cordon avec l’ancienne génération pour prendre une nouvelle trajectoire, je ne suis pas certain que Benkirane soit l’homme de la situation», s’interroge un sympathisant du parti, cité par Jeune Afrique.
«Limogé en 2017 par Mohammed VI, six mois après avoir été démocratiquement élu puis trahi par ses « frères», qui lui ont préféré Saâdeddine El Othmani comme chef du PJD, Benkirane rêvait secrètement d’un retour au PJD par la grande porte, et d’incarner à nouveau l’opposition.
D’autant plus que c’est son plus grand adversaire, Aziz Akhannouch (RNI), qui dirige désormais le gouvernement», souligne le magazine, ajoutant que «jusqu’au bout, Saâdedine El Otmani – dont les relations avec Benkirane sont minimalistes -, et l’ensemble de son secrétariat général ont essayé de l’empêcher de revenir sur le devant de la scène. Ces derniers ont en effet proposé de reporter d’un an la tenue du congrès ordinaire censé avoir lieu en décembre prochain pour élire une nouvelle direction. Une façon de conserver la main sur le parti et de tenir Abdelilah Benkirane à l’écart».
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Selon Jeune Afrique, «dorénavant, la véritable question qui se pose est la suivante: quel est le projet politique de Abdelilah Benkirane? Le parti du PJD traverse l’une des plus grandes crises de son existence, usé par dix années de pouvoir sous le mandat d’El Otmani certes (2017-2021), mais également – dans une moindre mesure – sous le mandat de Benkirane (2011-2017).
Ce dernier doit à nouveau fédérer les courants internes, resserrer les rangs, faire l’auto-critique du parti, accepter l’émergence d’une génération plus « réformatrice » et moins rigide, se réconcilier avec sa matrice idéologique du Mouvement de l'unicité et de la réforme (Mur), qui a pris ses distances avec le parti, et proposer des idées neuves, un contre-projet à celui de l’actuelle majorité gouvernementale, souligne l’auteure de l’article.
«Avec le retour de Abdelilah Benkirane, c’est sûr qu’il va y avoir du spectacle. Il enchaîne les lives Facebook où il incendie l’actuel gouvernement et ne mâche pas ses mots, mais après ?», s’interroge un éditorialiste politique. Avec un groupe parlementaire réduit à néant – 13 sièges sur 395 -, le PJD ne dispose comme leviers d’action que les réseaux sociaux et la société civile. C’est suffisant pour être gênant, mais pas assez pour incarner un contre-pouvoir», conclut Jeune Afrique.