Le clan Bouteflika, soucieux de rempiler à l’horizon de 2019, année de la prochaine présidentielle, veut à tout prix se débarrasser des médias opposés. Et c’est le groupe Al Khabar, réputé être proche du clan anti-Bouteflika, qui est le premier à avoir fait les frais de ce qui a l'allure d'une véritable chasse aux sorcières orchestrée par le régime en place. Pas plus tard que vendredi dernier, le directeur de la télévision privée algérienne KBC et le producteur d’une émission satirique diffusée par cette chaîne ont été placés en détention préventive, dévoile un membre du Groupe Al Khabar dont fait partie Al Khabar.
Motif invoqué par l’autorité de tutelle, le ministère de la Culture: non-conformité du contenu de cette émission passée au mois de Ramadan à une autorisation de tournage délivrée par ledit ministère de la Culture.
En réalité, il s’agit moins de «conformité» que de la nature de cette émission qui traite, sur le mode de la dérision, des problèmes que vivent les Algériens, s’insurge le directeur du quotidien Al Khabar, Cherif Rezki.
Plus encore, c’est le milliardaire kabyle Issad Rebrab, un anti-Bouteflika pur et dur, qui est visé par cette cabale. En effet, l’incarcération du directeur de la chaîne privée KBC et du producteur de l’émission incriminée n’est qu’un épisode d’un long feuilleton de harcèlement contre cette première fortune algérienne qui a eu l’audace d’exprimer ouvertement, en 2014, son opposition à un quatrième mandat du président Abdelaziz Bouteflika. Et ce n’est surtout pas le gel à la mi-juin de l’opération de rachat du Groupe Al Khabar par la holding Cevital, propriété d’Issad Rebrab, qui dira le contraire.
Ce gel décidé par une justice accusée d’être à la solde du pouvoir prend une tournure aussi gravissime qu’il s’agit d’incarcération des responsables de ce groupe, voire au-delà. L’enquête, ouverte par la gendarmerie sur les conditions de réalisation de l’émission intitulée «Nass stah» (Les gens de la terrasse), vise, au-delà du directeur de la chaîne KBC Mehdi Benaïssa et du producteur de l’émission Riad Harchouf, accusés de «fausse déclaration et complicité d’abus de fonction», une directrice centrale au ministère de la Culture. Cette dernière, placée également en détention préventive, risque de deux à dix ans de prison pour «complicité d’abus de fonction».
Et ce n'est pas tout! Outre le Groupe El Khabar, le quotidien El Watan prête le flanc à cette cabale savamment orchestrée par le clan Bouteflika. Pas plus tard que jeudi dernier, le nouveau siège de ce quotidien a été encerclé par la police pour «non conformité au permis de construire initial délivré en octobre 2010». En fait, la wilaya d’Alger accuse le responsable du Groupe El Watan d’avoir rajouté un étage en violation au permis de construction délivré» ! Un faux prétexte, s’écrient les responsables du quotidien, puisque c’est la ligne éditoriale opposée au président Bouteflika qui a dicté cette décision.
Cette campagne hystérique contre les médias opposés a poussé l’organisation de défense de la liberté Reporters sans frontières (RSF) à dénoncer «une atteinte au journalisme indépendant».