Le Canard Enchaîné nous a toujours habitués à des articles généralement bien informés quand il s’agit des coulisses de L’Elysée ou des arcanes du pouvoir dans l’Hexagone. Mais le papier consacré, dans son édition de cette semaine, à l’affaire Zakaria Moumni, laisse comme un arrière-gout de déception. Intitulé «Un boxeur aux arguments frappants», l’article, sans prendre un quelconque recul ou faire les recoupements d’usage, relaie et adopte l’histoire fantasmagorique de ce champion du racket qui a joué son tout-va durant l’année 2014, multipliant les affabulations à l’égard du royaume, de ses institutions et de ses hauts décideurs dans l’espoir d’encaisser 4.9 millions d’euros.
Ainsi, quand le journaliste de Le Canard parle des plaintes déposées par Moumni contre des hauts responsables marocains, il oublie de souligner que ce dernier fait lui-même l'objet de trois plaintes pour fausses accusations et menaces. La dernière en date est celle du ministre Mohand Laenser qui dispose d’un enregistrement téléphonique sur lequel Zakaria Moumni profère des menaces claires. En tout cas, des menaces bien plus directes que celles dont Moumni prétend être victime et au sujet desquelles Le Canard dit dans son article tout et son contraire: «Sa nouvelle plainte est prise au sérieux par la police, qui lui a fourni une protection de quelques jours», peut-on lire. Doit-on comprendre qu’au bout de quelques jours, la police française s’est rendu compte de l’arnaque? En tout cas, si les menaces étaient vraiment sérieuses, Moumni serait encore sous protection policière…
Pis encore Le Canard, s’emmêle les pinceaux quand il évoque le dahir royal dont veut bénéficier Moumni pour décrocher un poste de conseiller au ministère des Sports, soit un salaire de fonctionnaire fantôme. En regardant ce dahir de près, l’hebdomadaire se serait aperçu que ce privilège accordé par feu Hassan II aux champions du royaume concerne uniquement les disciplines olympiques. La ceinture en toc de champion du monde de light-contact de Moumni est donc hors champ d’application. En poussant l’enquête un peu plus loin, le journal se serait aperçu que le palmarès de sportif de Moumni était largement moins étoffé que son casier judiciaire: un titre orphelin octroyé par une fédération controversée, en plus de quelques combats en cage d’Ultimate Fighting, non autorisé en France. En se renseignant davantage, Le Canard se serait aperçu que le royaume avait récompensé ce champion de l’ingratitude en lui octroyant deux agréments de taxis et une rente dont il continue de bénéficier malgré toute sa hargne envers son pays.
Pour ce qui est de l’histoire de son arrestation, Le Canard prend pour argent comptant les affabulations de Moumni qui dit avoir été «enlevé et torturé pendant quatre jours au centre secret de Témara». Or, les faits connus et reconnus font état de l’arrestation de Zakaria Moumni à l’aéroport de Rabat-Salé par les éléments de la Police judiciaire de la capitale, car il faisait l’objet d’un mandat d’amener pour une plainte pour escroquerie. Et sa garde-à-vue, qui a duré trois jours, a été effectuée à la préfecture de police de Rabat, sous la supervision du parquet. Moumni ressasse pourtant ses allégations de torture perpétrées, soi-disant, sous la supervision personnelle du patron du contre-espionnage marocain Abdellatif Hammouchi qu’il dit avoir personnellement reconnu. Comme si le haut responsable sécuritaire n’avait pas mieux à faire que de diriger l’interrogatoire d’un escroc à la petite semaine? En plus, selon les informations obtenues par Le360, les dates de garde-à-vue de Zakaria Moumni ont coïncidé avec un déplacement à l’étranger du patron de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST). Mais peut-être que le jour où ce fait sera révélé devant la justice, Moumni, qui change de version sur cette présumée séance de torture comme il change de chemise, prétendra que Hammouchi suivait les sévices qu’il aurait subis par visio-conférence…
La technique de Moumni est connue: il cite les noms de hauts décideurs marocains pour cristalliser l’attention et donner de la consistance médiatique à son histoire abracadabrante. D’ailleurs, même le nom du secrétaire particulier du roi, Mounir El Majidi, est évoqué dans cette affaire. Selon les affabulations de Moumni, il serait même le commanditaire du «calvaire» qu’il aurait vécu. C’est très mal connaître le fonctionnement du royaume que de croire un instant que le patron du contre-espionnage puisse prendre ses ordres de chez le secrétaire particulier du roi, qui ne se mêle jamais de sujets d’ordre politique ou sécuritaire. Un manque de lucidité surprenant de la part des journalistes d’investigation réputés de Le Canard Enchaîné. A moins de mettre cet article sur le compte de ces papiers bouche-trou, faits à la va-vite et typiques de cette période de vacances de fin d ‘année…