«Alors que l’organisation (du Polisario) a repris les armes contre le Maroc depuis novembre 2020, ses responsables éprouvent bien du mal à s’entendre sur une position officielle face à l’ONU», affirme Jeune Afrique dans un article signé par sa correspondante à Casablanca, Nina Kozlowski.
«Plus qu’une révélation, une confirmation. Dans les rangs du Front Polisario, la cacophonie règne. La visite à Tindouf les 15 et 16 janvier, de l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies (ONU) pour le Sahara, Staffan de Mistura, a d’ailleurs continué à semer les graines de la zizanie », relève l’auteure de l’article.
Le 14 janvier, soit la veille de l’arrivée de l’émissaire onusien à Tindouf, Sidi Mohamed Ammar, représentant du Front Polisario auprès de l’ONU et coordinateur auprès de la Minurso, a donné une conférence de presse depuis le camp de réfugiés de Boujdour. Contre toute attente, «le diplomate» a rejeté l’option référendaire. Selon ce dernier, le Front «ne considère plus le référendum d’autodétermination comme une solution possible, mais s’accroche directement à son droit légitime à l’indépendance totale du Sahara occidental», avant d’ajouter que «le peuple sahraoui maintient son droit à se défendre par tous les moyens légitimes», rappelle Jeune Afrique qui souligne que «cette position est somme toute logique, dans la mesure où le Polisario lui-même a annoncé la fin du cessez-le-feu en vigueur depuis 1991».
Dans la foulée, Sidi Mohamed Ammar est pourtant contredit par Abdelkader Taleb Omar, représentant du Polisario à Alger, qui a quant à lui vanté les mérites de l’option référendaire, «seule solution susceptible de résoudre tous les problèmes», souligne Jeune Afrique, ajoutant que Brahim Ghali de son côté, président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), a joué les équilibristes face à Staffan de Mistura, le 16 janvier.
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Le leader du Front a réitéré la disposition de son mouvement à s’engager dans le processus de pourparlers sous l’égide de l’ONU et exprimé son adhésion «à toute opération pacifique permettant au peuple sahraoui d’exercer son droit à l’autodétermination et à l’indépendance». Et tant pis si le référendum ne fait plus partie des options privilégiées par l’ONU.
«Au terme de cette rencontre, Sidi Mohamed Ammar, pourtant légèrement désavoué par son chef et ses pairs, ne s’est pas démonté, bien au contraire. Le représentant auprès de l’ONU a légitimé la lutte armée, et affirmé que le Polisario est toujours déterminé à se battre jusqu’à la pleine indépendance de la RASD», relève Jeune Afrique.
«En soufflant le chaud et le froid, le Polisario a t-il simplement tenté de mettre des bâtons dans les roues de Staffan de Mistura, qui effectuait sa toute première visite au Maghreb?», se demande le magazine panafricain qui a sollicité l’éclairage de Bachir Dkhil, ancien fondateur du Polisario dans les années 1970, pour comprendre cette cacophonie de la position des séparatistes.
Pour Bachir Dkhil, il s’agit plutôt d’une forme de politique-spectacle. «Sidi Mohamed Ammar est un jeune cadre, dont la trajectoire au sein du Polisario reste floue. Il prétend incarner une sorte de relève au pouvoir de Ghali depuis New York, mais c’est impossible. Au mieux, cela brouille les pistes, cela fait croire au reste du monde qu’il existe des courants contradictoires, voire une forme d’équilibre des forces», avance-t-il.
«Il y a des groupes qui aimeraient prendre le pouvoir, mais la faction qui règne en maître est celle de Brahim Ghali, issu des Reguibat, tribu majoritaire au Sahara. Elle a la main sur l’armement du Front et elle est directement soutenue par Alger, ce qui refroidit toutes velléités de putsch. Mais il existe bien sûr énormément de dissensions», estime t-il.
Quoi qu’il en soit pour diriger le Polisario, la radicalité est une condition non-négociable pour Alger, favorable à la poursuite du conflit armé avec le Maroc, «sinon le Polisario et ses dirigeants n’auront plus aucun avenir ni raison d’exister», souligne Dkhil.
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Par conséquent, «au cours des derniers mois, Brahim Ghali» et ses hommes ont prôné une «intensification de la lutte armée», parfois même des attaques au-delà du mur de sécurité marocain, souligne-t-il.
D’ailleurs, tous les potentiels successeurs de «Ghali», auxquels le chef d’état-major de l’armée algérienne Saïd Chengriha a songé, sont des faucons de l’organisation. Parmi eux, «Abdellah Lahbib», mort des suites du Covid-19 en août 2021, et qui appelait de ses vœux l’extension de la lutte armée sur le territoire marocain.
Avant son décès, il était passé du «ministère de la Défense» à celui de la «Documentation», une rétrogradation à l’origine de sa rupture avec «Brahim Ghali». Les responsables algériens s’étaient alors lancés dans une longue médiation pour que «Lahbib» accepte de prendre ses fonctions.
Les deux autres favoris, toujours vivants, du général Chengriha ne sont autres que «Abdelkader Taleb Omar», qui a déclaré que la «guerre ne s'arrêtera qu’avec la fin de l’occupation marocaine», et «Mohamed Lamine Ould El Bouhali, chef des milices de réserve», qui prône une «riposte plus forte» contre le Maroc.
Problème, Taleb Omar appartient à une tribu minoritaire au Sahara, celle des Ouled Dlim, connue pour son passé contestataire. Tandis qu’El Bouhali serait conspué par toutes les tribus sur place. Quant à la paix, «souhaitée par beaucoup dans les camps du Polisario», selon Dkhil, il ne faut pas y songer.
En 1976, «le premier président de la RASD, El Ouali Mustapha Sayed, a été assassiné par les services du président algérien de l’époque, Houari Boumédiène, car il était favorable à une forme de normalisation et de négociation avec le Maroc», rappelle encore Bachir Dkhil.