A travers sa coach sportive «épicée», son «exubérante» mannequin brésilien, sa Blanche Neige «féministe» Nadia Roz incarne dans son dernier one woman show, «ça fait du bien», des femmes contemporaines émouvantes et délicieusement drôles. Cette surdouée de l’humour envahit la scène comme une bouffée d’oxygène avec un talent unique et délivre des messages dont ses personnages donnent le sens.
Quelques mots sur votre parcours?A 8 ans, j’ai intégré une troupe de théâtre à Colombes, où je suis restée 10 ans. Plus tard, j’ai entrepris des études supérieures, et obtenu une licence de Cinéma. Le saut dans le monde professionnel a été compliqué, j’ai travaillé comme assistante de production, puis comme secrétaire et standardiste dans différentes entreprises. J’ai bossé dans «le civil» comme j’aime bien le dire! (Rires). Même si j’ai toujours été attirée par la scène, je n’osais pas franchir le pas et puis en 2008, j’ai eu le déclic et j'ai franchi le cap. J’ai commencé avec les scènes ouvertes à Paris et j’ai été programmée dans un théâtre, «La Petite Loge». Ensuite, tout s’est enchaîné. J’ai été finaliste au festival d’humour «Paris fait sa comédie», puis j’ai participé à une finale à l’Olympia. Pendant le festival d’Avignon, un producteur m’a repérée et j’ai signé mon premier contrat. Après, j’ai eu un rôle dans scènes de ménages et Commissariat Central [sur M6, Ndlr], et Working Girl diffusé, sur Canal+.
«Ça fait du bien» est le titre de votre spectacle, pourquoi l’avoir appelé ainsi, qu’est ce qui vous fait du bien?Quand j’ai créé ce spectacle, j’ai fait un bilan artistique de ma carrière. Je me suis demandée ce qui pouvait faire du bien au public, et me faire du bien aussi. L’humour oxygène le cerveau et ça fait du bien! Lors de mes premiers spectacles, je n’avais pas de titre, c’était juste «Nadia Roz». Et puis l’idée m’est venue, car un médecin à la fin de mon spectacle, m’a dit: «merci! Vous nous faites du bien, je vais vous prescrire à mes patients». Cela a confirmé mon idée de départ. Il fallait l’appeler ainsi, c’était une évidence.
Comment passe-t-on de secrétaire à la reine de l’humour et du stand up?
Je pense que le déclic s’est fait quand je travaillais à Monaco. J’habitais à Nice et je faisais le trajet tous les matins, et la vie que j’avais ne me correspondait pas. Même si le trajet était agréable et la vue sublime, ce n’était pas pour moi. Et puis, il faut dire que depuis toute petite, j’étais fascinée par les artistes qu’il m’arrivait d’admirer devant mon écran de télévision. Je me souviens m’être souvent arrêtée durant un long moment devant les spectacles de rue, et avoir observé les artistes, admirative de leur talent. Je ne me voyais pas m’engager dans une vie professionnelle qui n’était pas la mienne. Il fallait prendre ma vie en main.
Dans vos spectacles, la gestuelle et les postures physiques sont aussi importants que les textes. Comment travaillez vous les thèmes que vous abordez, y a-t-il une part de vous dans vos sketches?Je pars toujours d’un personnage qui m’amuse ou d’une situation. Soit je trouve un personnage que je mets dans la situation ou je trouve la situation que j’ai envie de raconter et j’y intègre des personnages. Je travaille en faisant une trame avec un début, un milieu, et une fin. Ensuite avec le metteur en scène, on décide de creuser telle ou telle piste qui nous parait intéressante.
D’origine Franco-marocaine, comment vos parents et votre entourage ont réagi quand vous leur avez dit que vous souhaitiez percer dans la comédie?Ils n’ont pas été étonnés car je fais du théâtre depuis toute petite. Il y avait une attente de la part de ma famille, d’écrire des spectacles, de me voir jouer sur scène. Quand j’ai commencé à écrire mon spectacle, je n’ai rien dit car je voulais leur faire la surprise. Une semaine avant de jouer sur scène, je leur ai envoyé un carton d’invitation avec la date de mon premier spectacle, le 4 avril. C’était mon coming-out artistique! (Rires). J’ai de la chance, ils me soutiennent énormément.
Dans ce spectacle, il y a beaucoup de femmes, sont-elles inspirées de votre entourage ou sont-elles totalement fictives? Avec ce genre de personnages comme «La cousine Caillera», «Tata Zoumita», vous n’aviez pas peur que ce soit justement trop caricatural?Le sketch qui est personnel, c’est la maternité, je l’ai écrit à 3 heures du matin. Je me suis levée pour aller voir mon bébé qui pleurait et je ne me suis pas reconnue dans le miroir, j’avais les cheveux en pétard! (Rires). Devant le miroir, j’ai fait une chorégraphie, en pensant à Mylène Farmer. Cette nuit-là, je me sentais très inspirée. Par ailleurs, le sujet est tellement universel, que je n’ai pas eu de difficultés à le développer sur scène.
Pour ce qui est de la caricature, elle est essentielle. L’intérêt de l’humour, est de caricaturer ses contemporains. Parmis mes nouveaux personnages, il y a un bébé «Racaille» qui a remplacé «Tata Zoumita». Il y a en effet beaucoup de personnages de femmes dans ce spectacle, car dans la vie, je suis entourée de femmes qui m’inspirent. Je mélange des personnages réels et fictifs.
En France, vous vous êtes indigné face à une certaine tendance à écarter les femmes humoristes de certains festivals. Vous n’avez pas hésité à vous emparez de votre clavier pour dénoncer la programmation très masculine de certains festivals sur les réseaux sociaux...Nous sommes de plus en plus nombreuses dans l’univers de l’humour, et nous sommes toutes différentes. Et surtout nous sommes sortis de ce débat: peut-on être une fille et drôle? Florence Foresti a été la première à remplir Bercy, et à avoir dit: «je suis une femme je suis marrante. Est-ce qu’on peut parler d’autre chose maintenant?». Elle a gagné cette bataille pour nous. J’ai la chance d’être programmée dans les grands festivals et il faut dire que souvent, je suis la seule humoriste. Quand je vais voir les programmateurs pour leur en parler, ils me répondent que nous ne sommes pas assez nombreuses, ou pas assez marrantes, etc. J’ai été agacée d’entendre ses réponses, et j’ai décidé d’agir. J’avais publié sur les réseaux sociaux une liste d'une trentaine de femmes humoristes en m’adressant à ces programmateurs pour leur dire: «regardez, il y a beaucoup de femmes talentueuses, voila une première liste». Il y une vague féministe dans l’humour français, comme Vérino, qui s’est appropriée le sujet. Il y a également Shirley Soignon, Bérengère Krief, qui font de l’humour engagé et féministe. Avec le mouvement «balance ton porc», la parole s'est libérée.
Vous vous êtes produit à deux reprises au Marrakech du Rire au Maroc en 2015 et 2017. Comment avez-vous vécu ces moments?Le Marrakech du Rire, c’était comme dans un rêve. J’y ai de très bons souvenirs. C’est un bel écrin, le vieux palais El Badi, dans lequel les humoristes se produisent. C’était évidemment une fierté de jouer sur la terre de mes ancêtres. Je me suis sentie comme une gladiatrice dans ce beau palais centenaire! En 2015, lors de ma première scène, j’étais stressée, mais la seconde fois, j’étais plus à l’aise, j’avais pris le parti de m’amuser.
Quels sont les humoristes africains qui vous inspirent et avec lesquels vous aimeriez travailler?Il y en a tellement... Je dirais Hanane Fadili au Maroc qui est très talentueuse. En France, Fadily Camara est une humoriste que j’apprécie énormément, elle a une grande culture du stand up. Il y a bien sur, Jamel Debbouze, Gad El Maleh, Amelle Chahbi. J’essaie de ne pas trop regarder ce que font les autres humoristes quand j’écris car nous sommes des éponges. Hormis les artistes d’origine africaine, j’aime beaucoup également Florence Foresti, Julie Ferrier, Bérengère Krief, Christine Berrou, Muriel Robin.
Théâtre, Cinéma, Spectacle... Quelles sont vos actualités et vos projets?J’ai joué dans deux films qui sortiront cet été: celui réalisé par Grand Corps Malade et Mehdi Idir, «La Vie scolaire» (sortie le 28 août 2019) dans lequel j’ai le rôle de la mère du héros. Et puis «Premier de la classe» de Stéphane Ben Lahcene, qui sort le 10 juillet et qui tourne autour de l’univers des enfants.