Née le 26 octobre 1919 à Téhéran, la princesse Ashraf Pahlavi était considérée comme une femme puissante dans l'ombre de son frère qu'elle ne se privait pas de critiquer, jouant également un rôle important dans la politique du royaume.
Un responsable du bureau de son neveu, Reza Pahlavi, a indiqué à l'AFP qu'elle était morte jeudi à Monte Carlo, précisant qu'elle souffrait depuis longtemps de la maladie d'Alzheimer.
Les médias iraniens évoquaient samedi à travers des portraits peu flatteurs certains aspects de sa vie privée et ses fonctions officielles sous le règne de son frère, Mohammad-Reza Pahlavi (1941-1979).
La Révolution islamique qui a renversé le Chah en février 1979 a transfiguré l'Iran, où elle avait toujours rêvé de retourner, selon son neveu qui vit près de Washington.
La princesse Ashraf "a continué à penser à l'Iran jusqu'à son dernier souffle et elle est décédée en espérant que son pays serait libéré", a écrit Reza Pahlavi dans un message posté sur sa page Facebook.
Il a rendu hommage aux "efforts considérables" de sa tante pour "améliorer les droits des femmes, le bien-être social", et à sa lutte contre l’illettrisme en Iran, ainsi que sur la scène internationale.
Mariée trois fois, la princesse Ashraf laisse un fils, le prince Chahram, cinq petits-enfants ainsi que des arrière-petits-enfants. Pendant son exil, elle a beaucoup participé à la promotion de l'héritage culturel, artistique et littéraire de l'Iran, qu'elle estimait désacralisé par le régime islamique.
Considérée comme une diplomate de talent, la princesse Ashraf a conduit la délégation iranienne de l'Assemblée générale de l'ONU pendant plus de dix ans. L'agence officielle iranienne Irna a précisé samedi qu'elle avait également été à la tête du Comité iranien des droits de l'Homme, la représentante iranienne à la Commission des droits de l'Homme de l'ONU et patronne de l'Organisation des femmes iraniennes.
Privilèges et tragédies
Elevée à l'occidentale, la princesse a vécu dans les fastes et les privilèges de la royauté, souvent montrée aux tables de jeu de casinos européens, mais a connu plusieurs tragédies, dont une tentative d'assassinat.
Chahriar Chafigh, son fils né de son second mariage, a été tué par balle devant le domicile de sa mère à Paris en 1979, un meurtre imputé au régime révolutionnaire de Téhéran. Deux ans auparavant, elle était sortie indemne d'une fusillade devant un casino de Cannes, dans le sud-est de la France, qui avait tué son assistante et blessé son chauffeur.
Dans son autobiographie "Visages dans un miroir: mémoires d'exil" publiée en 1980, elle avait raconté son enfance malheureuse entre sa grande soeur, la princesse Chams, préférée du couple royal et son jumeau, Mohammad-Reza, destiné à monter sur le trône. Elle se décrivait comme une jeune fille rebelle au sang chaud.
Considérée comme une pionnière en matière de droits des femmes en Iran, elle fut la première à y apparaître en public sans voile, ce qui lui a valu d'être la cible des extrémistes religieux iraniens.
Le quotidien ultraconservateur iranien Vatan-Emrouz notait samedi qu'elle était décédée 80 ans jour pour jour après que son père, Reza Pahlavi, eut interdit aux femmes de porter le voile islamique. La Révolution de 1979 a réinstauré le voile obligatoire pour les Iraniennes comme pour les étrangères.
Elle était aussi une porte-parole importante de son frère, dont elle a conduit plusieurs missions diplomatiques, notamment en Chine. "Sous l'ère des Pahlavi, il n'y avait pas de femme plus influente qu'Ashraf en politique ou en diplomatie. Elle a joué un rôle majeur dans le coup d'Etat", a indiqué l'agence iranienne Fars, en référence au renversement en 1953 du Premier ministre élu démocratiquement Mohammad Mossadegh.
Selon l'agence, proche des Gardiens de la révolution, l'armée idéologique du régime, ce coup d'Etat orchestré par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne et qui avait ramené le Chah sur le trône, avait mené à ses "ingérences" dans la politique internationale.
"Elle a fait de nombreux voyages au nom de son frère et a négocié avec des gouvernements hostiles à l'Iran", affirme Fars. Stephen Kinzer, auteur de "All the Shah's Men" qui raconte les évènements de 1953, raconte notamment que "les coups de gueule d'Ashraf contre son frère étaient légendaires, dont l'un en présence de diplomates étrangers où elle lui demandait de prouver qu'il était un homme, ou alors tous sauraient qu'il n'était qu'un minable".