Casablanca, un vendredi 16 mai 2003. Une journée printanière durant laquelle le Maroc fêtait un heureux événement : La venue au monde du prince héritier Moulay Hassan. Une belle journée de mai gâchée et assombrie par une nuit cauchemardesque sans fin. En l'espace de quelques minutes, des explosions ont déchiré le silence relatif du coeur de Casablanca. Cinq déflagrations dans cinq endroits différents mais hautement symboliques de par leurs propriétaires, leur clientèle ou leur intérêt. L'hôtel Farah (actuel Golden tulip), la Casa di Espagna, l'alliance israélite, le cimetière juif et le restaurant le Positano. Bilan : 43 morts, dont 12 kamikazes, des dizaines de blessés et des dégâts matériels considérables. Ils étaient les cibles, minutieusement choisies d'attentats-kamikazes. Des attaques terroristes qui ont semé la terreur et le doute parmi les citoyens. Le roi Mohammed VI, Commandeur des croyants, qui s'était déplacé sur les lieux du crime et au chevet des blessés, avait prononcé un discours et souligné que "cette agression terroriste est contraire à notre foi tolérante et généreuse. Plus encore, ses commanditaires, comme ses exécutants, sont d'ignobles scélérats qui ne peuvent en aucune manière se réclamer du Maroc ou de l'Islam authentique, tant ils ignorent la tolérance qui caractérise cette religion". Nourris d'eau bénite et d'extrêmismeDes jeunes gens de milieu modeste, peu ou pas scolarisés, pris dans le piège de l'endoctrinement idéologique aveugle des chioukh de la salafia jihadia qui les ont nourris de la haine de l'autre et du rejet de la différence. Bien des mois avant les attentats, on avait assisté à la montée au créneau d'un autre genre de prédicateurs qui, au lieu de prêcher la bonne parole et de cultiver la tolérance, ils semaient la zizanie et ébranlaient la foi des musulmans du Maroc, tolérants dans l'âme, par un discours "religieux" importé et interprété par des ignorants. Des prêches encourageant le jihad et faisant l'apologie du crime. Des meurtres avaient été commis au nom de la religion avant même la survenue des attentats du 16 mai. On se rappelle, de Zakaria Miloudi, fondateur du mouvement Assirat al Moustaqim. Il était le chef de file du terrorisme jihadiste à la marocaine. D'abord, en stigmatisant " le régime mécréant et corrompu" (attaghut comme les intégristes aiment à appeler l'Etat de droit) et en appelant ensuite les fidèles à mener une guerre sans merci aux impies et aux croisés. Il est passé finalement à l'acte en ordonnant la lapidation de son voisin de quartier. L'homme meurt sous les coups. A cette époque déjà, des voix éclairées se sont élevées pour dire que le discours prôné par les idéologues du takfirisme, dont le nombre se multiplie de manière sensible, va en se radicalisant. La sonnette d'alarme a été tirée mais on pariait sur l'exception marocaine, laquelle est partie en fumée avec la première explosion survenue dans la nuit du 16 mai. Des arrestations massives ont fait suite au regrettable épisode sanglant. Près de 8.000 personnes selon le ministère de la Justice de l'époque. Le pays avait été touché dans sa sécurité et sa stabilité. Dans sa chair. La loi anti-terroriste fût adoptée, le 28 mai 2003, 12 jours après les attentats. Une loi qui n'a pas fait l'unanimité notamment du côté des associations des droits de l'homme.La loi anti-terroriste contre politique de développementMais outre cette loi, il y a la vigilance, née dans la douleur d'une expérience sanglante qui a finalement pu sauver le Maroc d'autres malheureux actes terroristes. Les forces sécuritaires ont pu démantelé 64 cellules animées de sombres desseins. L'implication des citoyens dans la lutte anti-terroriste a également donné ses fruits. Cela n'a pas empêché que d'autres attaques ne soient perpétrées mais qui sont restées dans le cadre d'initiatives criminelles individuelles ou dans le cadre des activités de groupuscules insigifiants comme ce fût le cas pour l'attentat qui a ravagé le café Argana à Marrakech, en avril 2011. D'où le changement de cap dans la politique du Maroc liée à la question qui se focalise actuellement sur le développement et la sécurité anticipative. Il s'agit en effet d'une politique globale et multi-sectorielle qui va de la restructuration du champ religieux, en passant par les programmes pédagogiques inculquant les valeurs de la tolérance et des droits de l'homme, l'éradication des bidonvilles ainsi que d'autres chantiers non moins importants. L'engagement du Maroc dans la lutte anti-terroriste, a payé malgré tout et a été loué par les observateurs internationaux. Le dernier rapport du département d'Etat américain a d'ailleurs mis l'accent sur les efforts du Maroc dans ce sens. Sachant que la situation du pays le rend vulnérable et exposé en raison de la présence de Al-Qaida au Maghreb islamique dans la région sahelo-saharienne.