Pour Adil Douiri, les ministres du gouvernement Benkirane passent pour des nuls. "Les quatre réacteurs de la croissance économique déclenchés sous les deux précédents chefs gouvernement, se sont progressivement éteints au détriment de la résorption du déficit budgétaire", affirme-t-il. Le président de l’Alliance des économistes istiqlaliens n’est pas tendre avec ceux qui sont aux commandes. Il s’exprimait devant la Chambre de commerce et d’industrie d’Agadir, en fin de semaine dernière.Pour lui, le gouvernement ne s’est pas suffisamment appuyé sur le BTP, le logement social, les métiers mondiaux du Maroc et la consommation des ménages. C’est ce qui a fait que le Maroc a perdu plus de 2,5 points du taux de croissance de son PIB qui était de 6,7 à 6,8% environ pour les gouvernements de Driss Jettou de 2002 à 2007 et de El Fassi de 2007 à 2011.
PIB DU MAROC DE 2002 A 2014
2002 | 2003 | 2004 | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 |
3,3% | 6,3% | 4,8% | 3,0% | 7,8% | 2,7% | 5,6% | 4,8% | 3,6% | 5,0 % | 2,7 % | 4,4% | 2,7% |
Source : Banque mondiale
C’est le politique qui parle
L’ex-ministre du Tourisme sous le gouvernement Jettou, co-fondateur de la banque d’affaires CFG Group est suffisamment compétent pour critiquer les décisions économiques du gouvernement. Pour autant son propos semble si dissonant de la réalité, qu’on a l’impression d’entendre l’opposant plutôt que le gérant de la Holding Mutandis. La croissance moyenne de l’économie marocaine sur la période 2002-2011 est très loin des chiffres qu’il avance. Le Taux de croissance annuel moyen (TCAM) du PIB n’a été que de 4,65%, loin des 6,7% annoncé tantôt. Pendant quatre années sur cette décennie, en 2002, 2005, 2007 et 2010, le taux de croissance a été entre 2,7% et 3,6%, ce qui n’est pas très loin des performances de l’actuelle équipe gouvernementale.
Benkirane n’avait plus rien à privatiser
Par ailleurs, il est difficile de s’en prendre au choix de la réduction du déficit budgétaire qu’a fait Benkirane. Puisqu’en 2012, à cause des prix du pétrole et par ricochet des charges de la Caisse de compensation, le déficit budgétaire était de 7,2% du PIB, un niveau jamais atteint dans l’histoire récente du Maroc. Et Benkirane, n’avait plus rien à privatiser comme ont pu le faire ses prédécesseurs. On se rappelle que Maroc Telecom, la Régie des Tabacs, pour ne citer que ceux-là, avaient permis à un certain Fathallah Oualalou, alors ministre des finances de Driss Jettou, de réduire le déficit budgétaire à un niveau proche de zéro. Pour l’heure, la baisse du déficit budgétaire ne pouvait passer que par des mesures impopulaires comme la réduction de l’investissement auquel Benkirane s’est résolu en 2013.
Mesures impopulaires mais courageuses
15 milliards de dirhams avaient alors été ôtés aux opérateurs du BTP. D’autres mesures devaient suivre, comme des retouches sur les impôts et, bien sûr, la réforme de la Caisse de Compensation. Le gouvernement actuel laissera à la postérité, l’exploit d’avoir établi la réalité des prix pour l’essence et le gasoil, alors qu’aucun autre gouvernement ne s’y est frotté. Evidemment, si à la suite de cette décision impopulaire, les prix augmentent, la consommation des ménages connaîtra un coup de frein.Concernant les métiers mondiaux du Maroc, tout est pour le mieux. L’automobile vient d’enregistrer 40 milliards de dirhams d’exportation en 2014. L’aéronautique, l’électronique et l’électrique connaissement également une croissance très forte. Le textile est en nette reprise avec une croissance de 3,8% en 2014 et des perspectives plus que prometteuses. Seuls les secteurs comme le tourisme et dans une moindre mesure, l’Offshoring, peinent à atteindre les objectifs qui leur étaient assignés.
Benkirane a la baraka
Aujourd’hui, la confiance revient et les perspectives sont plus que bonnes. Le Maroc devrait connaitre une croissance supérieure à 5% d’après la Banque mondiale, d'après le Centre Marocain de Conjoncture (CMC) et d'après le Haut-commissariat au plan (HCP). Ce retour de la confiance est illustré par le succès étonnant de l’amnistie pour les avoirs détenus à l’étranger pour laquelle 27,8 milliards de dirhams ont été déclarés. C’est aussi perceptible dans la croissance de la bourse en 2014, la première depuis 2010.Benkirane a comme la baraka. Au moment où tout le monde craint l’impact négatif de ses décisions sur la consommation, l’investissement et la création d’emplois, beaucoup d’événements redonnent le sourire. En effet, la décision récente de la Banque Centrale de réduire le taux directeur ne manquera pas de booster la consommation et l’investissement. Les banques que l’on accuse de ne pas répercuter cette décision annoncent qu’elles agiront. La Banque populaire vient de proposer un taux de 5,25% aux PME. Mais la baraka ultime du gouvernement c’est de voir les prix du pétrole baisser au moment où est établie la réalité des prix.