Le Conseil national des langues et de la culture marocaine, dont la loi organique portant création a été votée en juin dernier, a-t-il mis à l’étroit l’Institut royal de la culture amazighe ou celui de l’arabisation? C’est par cette question, qui fait actuellement débat dans le microcosme politico-culturel au Maroc, que le quotidien Assabah, dans son édition du mercredi 29 janvier, ouvre une interview à bâtons rompus avec Ahmed Boukous, recteur de l’IRCAM.
En réponse, Boukous a rappelé que l’IRCAM avait été créé par un dahir royal datant du 17 octobre 2001, et que ses activités avaient débuté en 2002 pour aboutir à d’importants résultats. Donc, quelle que soit sa place au sein du nouveau Conseil national des langues et de la culture marocaine, l’IRCAM doit garder son autonomie financière et ses cadres en respect de la forte volonté royale qui a été derrière sa création il y a quasiment deux décennies.
Pour ce qui est de l’enseignement de la langue amazighe, Boukous a plutôt défendu, dans le contexte actuel du moins, le bilinguisme classique, arabe-français, adopté par les écoles et universités marocaines, même s’il préconise que certaines matières non scientifiques et relatives au patrimoine culturel, comme l’histoire, la géographie ou la poésie, peuvent être enseignées en amazigh. Mais ce n’est pas demain la veille que ces cours seront dispensés, car, remarque-t-il, l’alphabet tifinagh n’a vu le jour que depuis quelques années et très peu de Marocains le connaissent encore.
Boukous explique aussi ce manque d’engouement pour le tifinagh par la démission des partis politiques ou leur très faible engagement en faveur de la vulgarisation de la culture amazighe. Se refusant à se dire francophile comme on l’en accuse souvent, il précise plutôt qu’à l’instar de la majorité des marocains, il a tiré la conclusion qui s’impose suite à l’échec de la politique d’arabisation à outrance de l’enseignement au Maroc, à savoir que le bilinguisme est la bonne solution éducative. N’en déplaise au PJD, à Al Adl wal Ihssane ou au parti de l’Istiqlal.
De même, le recteur de l’IRCAM estime que le débat actuel sur le modèle de développement semble avoir zappé l’économie immatérielle, où la culture occupe une place de choix, pour ne se concentrer que sur ce qui a trait aux ressources matérielles. Or, pour Boukous, la culture marocaine recèle un gisement inestimable d’opportunités qui, si elles sont bien exploitées, peuvent constituer une importante source de rentrées en devises pour le pays. Surtout que le patrimoine amazigh à lui seul regorge de trésors (art ornemental, textile, culture orale, objets rares…). Enfin, Boukous regrette que la Commission Benmoussa n’ait pas fait appel à un expert en culture amazighe, ce qui dénote, selon lui, une absence de dimension culturelle au niveau du modèle de développement en gestation.