Attentats: Le Washington Post épingle le renseignement français

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Les Frères Kouachi, auteurs de l’attentat meurtrier contre le journal Charlie Hebdo, ont réussi à tromper la vigilance du renseignement français, relève le Washington Post. Reader's Digest.

Le 11/01/2015 à 19h07

Dans un article publié le 9 janvier, sous le titre «Après les attentats de Paris, des questions sur les échecs du renseignement», deux journalistes du prestigieux quotidien américain, Greg Miller et Adam Goldman, reviennent sur les failles sécuritaires que les frères Kouachi, Chérif et Saïd, ont exploitées pour perpétrer l’un des plus sanglants attentats terroristes qu’ait connus la France: l’attentat contre le siège parisien du journal satirique français Charlier Hebdo, qui a fait 12 victimes. 

Comment le renseignement français a-t-il échoué à déjouer un attentat commis par deux frères dont l’aîné, Saïd Kouachi, était connu pour avoir fait ses «classes» à l’université intégriste «Al Iman», au Yémen, et été formé au maniement des armes par le tristement célèbre chef d’Al-Qaïda au Yémen, Anwar Al Awlaqi, abattu par un drone américain en 2011? Le Washington Post remonte trois ans avant les fusillades du 7 janvier, période à laquelle les frères Kouachi, des Franco-Algériens, ont échappé à la vigilance des services de renseignement français ainsi que de leurs homologues américains.

«Peu de temps avant qu’il ne soit abattu par les forces de sécurité le 9 janvier 2015, Cherif Kouachi a dit à un journaliste français que lui et son frère ont agi au nom d’Al-Qaïda au Yémen, et que l’opérationnel d’origine américaine Anwar al-Awlaki avait joué un rôle dans la formation reçue par Saïd Kouachi lors de son voyage au Yémen en 2011», rapporte le Washington Post dans l’article publié sur son site web. Une révélation confirmée juste après la mort des frères Kouachi par un membre d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), qui a bel et bien revendiqué, dans une vidéo non authentifiée, l’attentat contre le journal Charlie Hebdo.

Selon les services de sécurité américains, cités par le quotidien, «les frères Kouachi n’ont pas été soumis à un examen minutieux» par leurs homologues français. «Les Frères Kouachi semblent avoir été moins contrôlés par les services de sécurité français, qui au cours des deux dernières années sont devenus de plus en plus dépassés par le suivi du flot des citoyens français en partance pour la Syrie». Est-ce pourtant une raison pour relâcher la vigilance autour d’un journal, en l’occurrence Charlie Hebdo, que les islamistes radicaux avaient dans le viseur depuis la publication controversée, dans ses colonnes, des représentations du prophète ?

«Avant même l’attaque contre Charlie Hebdo, la France a été au centre d’une série de failles de sécurité apparentes », relève le Washington Post, en rappelant que « l’année dernière, le citoyen français Mehdi Nemmouche a tué quatre personnes lors d’une fusillade dans un musée juif à Bruxelles, même si les autorités françaises savaient qu’il était allé se battre en Syrie et avaient été informées par leurs homologues allemandes qu’il était revenu en Europe».

En 2012, un ressortissant français d’origine algérienne, Mohamed Merah, a tué plusieurs écoliers juifs, un rabbin et trois soldats français dans une série de fusillades dans le sud-ouest de la France, rappelle la publication américaine, en précisant que ce terroriste avait été mis sur une liste d’interdiction de vol des Etats-Unis depuis 2010 après avoir été arrêté en Afghanistan et renvoyé en France, où il avait un casier judiciaire et était connu pour ses opinions extrémistes. Après avoir rappelé que Merah a été tué lors d’un échange de coups de feu avec des commandos français à Toulouse le 22 mars 2012, le quotidien américain affirme qu’à l’époque, le ministre français de l’Intérieur, interpellé sur la question de savoir si les services français auraient pu faire plus, a répondu que « l’expression d’opinions salafistes n’est pas suffisante pour amener quelqu’un devant la justice».

Autre sujet de préoccupation relevé par le Washington Post, les départs incessants de ressortissants européens, français en particuliers, vers la Syrie et l’Irak pour combattre aux côtés de l'Etat islamique d’Abou Bakr al-Baghdadi. Se basant sur les révélations d’un haut responsable américain, le quotidien note que plus de 3000 citoyens européens, dont au moins 1000 de France, ont rallié la Syrie et l'Irak, en indiquant que certains d’entre eux sont revenus en Europe, et pourraient passer des années sans attirer l’attention comme l'ont fait les frères Kouachi.

Par Ziad Alami
Le 11/01/2015 à 19h07