Issu d’une famille d’origine sahraouie, du côté de Tata, Mohamed Yatim est né à Casablanca en 1956. Son père travaillait dans une entreprise de négoce de céréales. Sa mère se livrait à de petits travaux à la maison pour arrondir les fins de mois.
Mohamed Yatim, lui, coule des jours heureux, enfin si on peut s'exprimer ainsi, dans un Maroc qui venait d’obtenir son indépendance.
Sa famille le laisse se consacrer à l’apprentissage de la parole divine (le Coran). A dix ans, c’est mission accomplie à plus des deux tiers, comme le raconte le chercheur Bilal Talidi (autre membre dirigeant du MUR) dans une série de livres consacrée à l’histoire des mouvances islamistes au Maroc.
Enfant déjà, on le surnommait «le fkih» ou le «chrif» (le noble) à cette époque où le certificat d'études primaires (CEP) pouvait vous ouvrir les portes du fonctionnariat, le baccalauréat restant le grand sésame.
Mohamed Yatim n’avait vraiment rien de l’islamiste qu’il allait devenir dans les années 70. Ses passions d’enfant et d’adolescent sont le foot et l'élevage des pigeons.
Il voulait dans un premier temps jouer pour l'équipe de foot du Raja, avant de déchanter. De même abandonnera-t-il une centaine de pigeons qu’il confie à son frère cadet.
Une décision sans retour dans la mesure où il veut se consacrer à ses études. A 100%!
Il fréquente assidûment l’Institut français de Aïn Borja où il fait la découverte de Voltaire et de Montesquieu. En 1974, un professeur d’arabe le convainc d’intégrer la Chabiba islamiya, matrice des mouvances islamistes marocaines, dont le PJD.
Il s’inscrit en cours de philosophie à la faculté de Rabat, puis à Fès, selon les instructions de l’organisation qui cherchait à être présente partout au Maroc.
A la fin des années 70, Yatim a failli être arrêté à Kénitra pour avoir distribué des tracts de la Chabiba islamiya et ce, en relation avec l’assassinat de Omar Benjelloun (en décembre 1975), le leader historique de l’USFP.
En 1978, il se rend à la Mecque, aux frais de la Chabiba, pour rencontrer Abdelkrim Moutiî, alors en exil en Arabie saoudite. Moutiî prend très mal la venue de l’émissaire et va jusqu’à accuser Yatim d’être à la solde des services secrets marocains.
Quand s'impose l’idée d’une nouvelle organisation pour remplacer la Chabiba islamiya, début des années 1980, Yatim est tout désigné pour la diriger.
En compagnie de Saâd-Eddine El Othmani, actuel président du Conseil national du Parti de la justice et du développement, il prépare la plateforme de cette nouvelle entité qui prendra le nom de Jamaâ islamiya.
Le reste, vous l’aurez deviné. Depuis que la Jamaâ a fait main basse sur le parti de Khatib (MPDC) au milieu des années 90, Mohamed Yatim s'est retrouvé au premier rang.
Et comme pour le hold-up qui a visé le parti de Khatib, les frères de Benkirane ont hérité du bras syndical, l’UNTM (Union nationale du travail au Maroc), devenue sous le gouvernement Jettou l’une des cinq centrales les plus représentatives au Parlement (deuxième Chambre) et, donc, un incontournable partenaire dans tous les dialogues sociaux.
Evidemment, comme Yatim avait une longue expérience de syndicaliste de l’enseignement, il semblait tout désigné pour prendre la tête de cette organisation.
Aujourd’hui, il préside aux destinées de la Commission préparatoire d’un Congrès dont dépendent aussi bien l’avenir politique de Benkirane que l’orientation future du PJD.