Le reclus de DüsseldorfDéputé-maire de Fès, ancien patron de l’Istiqlal et secrétaire général de (l’anciennement) puissante centrale syndicale UGTM (Union générale des travailleurs du Maroc, adossée à l’Istiqlal), Hamid Chabat a, du jour au lendemain, tout perdu. Il a disparu des écrans radars il y a un peu plus de deux ans. Au point de susciter l’ire de certains parlementaires, qui l’accusent d’«abandon de poste» de son siège à l’hémicycle, puisque le concerné continue (virtuellement) d’y siéger et d’être rémunéré en conséquence même s’il est tout simplement absent.
Mais en fait, que devient Chabat? Certains le disaient réfugié en Turquie, mais s’offrant des séjours réguliers en Allemagne. Les (plus) méchantes langues le prétendent même muni d’un passeport turc.
Le360, qui a pu le localiser, n’a pas hésité à demander directement à celui qui fut, à la fois le «seigneur» de Fès, de l’UGTM et du parti de l’Istiqlal, où il se trouvait.
«Je suis à Düsseldorf, ça vous va?!», nous répond Hamid Chabat.
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«Je ne suis ni en exil ni en fuite, mais il fallait que je prenne du recul», a poursuivi le turbulent Bernoussi (Branes étant l’une des grandes tribus de la province de Taza, dans le pré-Rif).
Le roi, le Maroc et FèsEst-il vrai que comme le rapporte un membre de son ancienne garde rapprochée, «il n’a pas encore digéré la manière dont il a été débarqué de la tête du parti, du syndicat et de la mairie de Fès. Il disait (à sa garde rapprochée, Ndlr) ne pas vouloir vivre sous le même ciel que ceux qui l’avaient trahi».
Au téléphone depuis cette ville d'Allemagne, Hamid Chabat admet qu'«"ils" ont opté pour une gestion de Fès par les islamistes, bsahthoum ("grand bien leur fasse!"). Et c’est vrai que cela m’est resté en travers de la gorge».
Et à quand son retour?
«Je vous le répète encore une fois. Je n’ai rien fait contre mon roi et mon pays. D’ailleurs, j’allais rentrer avant le Ramadan, mais la pandémie en a décidé autrement», a poursuivi l’ex-homme fort de l’Istiqlal.
Et sa famille? «Je suis toujours en contact avec les miens, comme je participe à toutes les réunions du parti aux niveaux local, provincial et régional», répond Hamid Chabat.
Fatima, son épouse, lui rendait visite aussi bien en Turquie qu’en Allemagne. Mais, là aussi, la pandémie en a décidé autrement. «Après cette épreuve, venez prendre un thé chez moi à Bensouda (l’un des plus grands quartiers populaires de Fès). Je ne change rien à mes habitudes», a conclu notre interlocuteur.
L’exilé du RifIlyas El Omari aura été des grandes batailles que le Maroc a connues ces vingt dernières années. A commencer par l'Instance équité et réconciliation, pour en finir avec les atteintes passées aux droits de l’homme, où il avait siégé en étant la «prunelle des yeux» de feu Driss Benzekri, son président, nous témoigne un autre ancien membre de cette institution. La gestion de la crise née après les tristes tremblements de terre ayant frappé la région d’Al Hoceima en 2004? Il en a aussi été. La création du Mouvement pour tous les démocrates, l’ancêtre du Parti authenticité et modernité (PAM)? Là aussi, il en a été.
La consécration, pour cet autodidacte (il est issu d’un milieu extrêmement pauvre et a peu fréquenté les bancs d’école) est intervenue quelques années plus tard, lorsqu’il est devenu le secrétaire général d’une formation prédestinée à jouer les grands rôles dans l’échiquier politique marocain. Dans la ligne de mire: s'emparer de la première place aux élections législatives de 2016, et «casser» la mécanique ascentionnelle du Parti justice et développement après cinq années au pouvoir, et, par la même occasion, son patron de l’époque, Abdelilah Benkirane.
Le PAM d’Ilyas El Omari en avait les moyens, mais a lamentablement échoué dans cette mission.
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Quand la montagne s’écrouleVolontiers intellectuel, le coeur à gauche, homme des coulisses, des rouages et autres réseaux par excellence, El Omari avait promis monts et merveilles à ses nombreux entourages, mais n’a finalement pas réussi à convaincre les électeurs. Le PAM se retrouve rélégué à squatter les bancs de l'opposition. Et c’est alors le début de la fin pour Ilyas El Omari. Il aura eu beau s’accrocher à son poste de secrétaire général du parti, mais aussi de président de la stratégique région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, il est peu à peu lâché par les siens et par ses autres appuis. Rattrapé par une mauvaise gestion, et par d'autres écarts, il se voit contraint de renoncer, et il est littéralement chassé du parti et de la région qu’il présidait.
Et maintenant, on va où?Tenter de joindre Ilyas El Omari pour savoir ce qu’il est devenu relève de la «Mission impossible».
«En dehors de quelques intimes, il refuse le moindre contact ou autre prise de parole. Il vit reclus entre sa région natale du Rif et l’Espagne, où il se rend régulièrement, notamment pour des soins médicaux», témoigne un proche.
Affaibli, Ilyas El Omari est également extrêmement souffrant. «Diabétique, il a également des problèmes cardiaques et de vision. En deux ans, Ilyas (El Omari, Ndlr) a pris vingt ans et il traîne encore les séquelles de sa courte mais intense carrière politique et l’échec qu’on lui connaît», nous raconte ce fidèle compagnon de l’ancien patron du PAM.
Notre interlocuteur souligne la grande amertume que ressent encore El Omari: «il a été lâché par ceux-là mêmes qui lui tressaient des lauriers et par un parti dont il était un des fondateurs. Il se sent trahi et n’arrive toujours pas à digérer son échec».
Revenir un jour en politique? «Plus jamais. Il a payé son engagement au prix fort. Aujourd’hui, il ne veut plus rien savoir de la chose politique et sa vie active se limite à quelques interventions auprès de think tanks étrangers. Son souhait le plus cher est de partir de cette vie comme il y est arrivé, en toute discrétion», conclut notre source, émue.