Qui ne connaît pas André Azoulay, ce juif, amazigh et conseiller de deux monarques. Serge Berdugo n’est pas, non plus, totalement inconnu d’une large frange des Marocains, ancien proche de Driss Basri, puissant ministre de l’Intérieur sous Hassan II, ambassadeur itinérant du roi et secrétaire général du Conseil de la communauté israélite du Maroc. Ce sont deux personnalités connues pour avoir servi leur roi, et qui continuent d’ailleurs à le faire aujourd’hui. Symboles de la communauté marocaine d’aujourd’hui, ils ne sont donc plus à présenter, contrairement à certaines personnalités marocaines de confession juive qui ont également été longtemps au service du Trône.
Bien des personnalités juives ont en effet été au service du Trône, au point qu’il est aujourd’hui impossible d’en dresser une liste exhaustive, écrit le quotidien Al Akhbar dans un dossier consacré à ces hommes hors pair dans son édition des 18, 19 et 20 décembre.
David Amar fait partie de ces personnalités. Un drame l’a rapproché du Palais, quand le bateau Egoz a fait naufrage en 1961, avec à son bord une quarantaine de juifs qui voulaient se rendre en Israël et qui ont tous péri. Alors chef de la communauté juive marocaine, c’est lui qui a alerté les autorités sur ce drame. Durant les funérailles des victimes, dont une partie des corps a été repêchée dans les eaux de la Méditerranée, il a fait la rencontre du prince Moulay El Hassan, alors prince héritier. Du statut d’ami, il a vite évolué vers celui de conseiller financier et économique du roi Hassan II. David Amar a été nommé plus tard administrateur délégué de l’ONA, mais vers la fin de sa vie, il a décidé de suivre son fils en France. Il a passé le restant de sa vie entre Casablanca et Paris.
Léon Benzaken, autre leader de la communauté juive marocaine, puisqu’il a contribué à la création de l’Alliance israélite universelle du Maroc, était également très proche du Palais, poursuit le quotidien. Médecin de formation, il était pressenti pour devenir ministre de la Santé dans le tout premier gouvernement du Maroc indépendant. Il sera nommé, en 1956, à l’occasion du premier remaniement du gouvernement El Bekkay, ministre des PTT. Il a ensuite été nommé à la Santé, en même temps qu’il officiait en tant que médecin particulier du feu Mohammed V.
C’est une époque où la communauté juive était très présente sur la scène politique et sociale marocaine. C’est justement à cette époque qu’un autre juif marocain a pu accéder au cercle très rapproché du roi Hassan II. Raphaël Botbol était à la fois tailleur attitré du roi et son conseiller politique. Son père, Haïm Botbol, était déjà tailleur attitré de feu Mohammed V, mais à l’accession de Hassan II au trône, affaibli par la maladie, il ne pouvait plus assumer cette fonction. Son fils a donc repris le flambeau au service de Hassan II. La relation entre les deux hommes était si forte qu’à sa mort, le roi s’est adressé à sa famille par ses mots: «Vous avez perdu un père et un mari, moi j’ai perdu un frère». C’est que le roi faisait appel à lui pour toutes sortes de sujets. Plus tard, c’est Roger, fils de Raphaël, qui reprendra, sur demande de feu Hassan II, la fonction du tailleur du roi.
Dans cette saga des juifs au service du Trône, l’Histoire retiendra le parcours particulier de Baruch Chriqui. Né à Casablanca dans une famille juive, il quitte le Maroc à l'âge de 25 ans pour s’installer à Hollywood, aux USA, où il ouvre son salon de coiffure, devenu très vite le lieu de rencontres de stars du cinéma. Un jour, il reçoit la visite de feu le prince Moulay Abdallah dans son salon. Séduit par les qualités humaines et professionnelles du jeune coiffeur, le prince l’invite pour assister à l’anniversaire du roi Hassan II. Une invitation qu’il accepte. Quelques jours après, le roi Hassan II lui demande de venir le coiffer. Ce qu’il fit. Un peu plus tard, Chriqui reçoit une offre pour devenir le coiffeur personnel du roi et la relation entre les deux hommes se transforme en amitié. Le coiffeur jouait au golf avec le roi et l’accompagnait lors de ses parties de chasse, entre autres. Après la mort du roi Hassan II en 1999, le coiffeur (60 ans) a décidé de s’installer en Israël avec ses quatre enfants.
Entre autres personnalités juives proches du Palais, le quotidien cite le nom de Max Cohen et celui du chanteur Samy El Maghribi. Le premier, un boxeur, a endossé le maillot du Maroc sur ordre du roi et le second a été conseiller artistique de Mohammed V. Nessim Max Cohen, ce Marocain natif de Casablanca en 1942, est un champion sportif très connu notamment à l’étranger. A Paris, une salle de boxe porte son nom. Dans plusieurs villes israéliennes, des centres de formation portent le nom de ce juif marocain qui a vécu à Casablanca pendant deux décennies. Sa vie était partagée entre Paris, Israël et le Maroc.
Ami de Mohamed Ali, c’est lui qui a organisé la visite au Maroc du boxeur afro-américain le plus célèbre de l’histoire. C’était en juillet 1972 sur une invitation de Hassan II. Un an plus tard, il partait à Paris où il entamait une carrière internationale de boxeur pour devenir champion du monde.
Quant à Samy El Maghribi, de son vrai nom Salomon Amzallag, c’est un chanteur et musicien marocain né en 1922 à Safi, qui a passé toute sa vie entre sa ville natale, Casablanca et Montréal, au Canada. Il était régulièrement invité aux fêtes et célébrations organisées par le Palais et Hassan II appréciait beaucoup ses chansons. Il aurait même, un jour, psalmodié quelques versets du Coran devant le défunt roi, ce qui l’a beaucoup touché.