La Commission de la justice et de la législation a reporté, pour la quatrième fois, la date de discussion des amendements apportés au projet de loi relatif au code pénal (CP). Ce projet, qui traîne depuis quatre ans, ne cesse d’être reporté par les différents groupes parlementaires qui se sont opposés à la pénalisation de l’enrichissement illicite. Le ministre d’Etat chargé des droits de l'Homme, Mustapha Ramid, qui intervenait, vendredi dernier, lors d’un séminaire sur le code pénal, s’est dit intrigué par ce blocage systématique. Le sujet a, en effet, provoqué de grandes divergences au sein de la Commission, au point de pousser les membres du PAM à exprimer leur opposition à la formulation même du code pénal. Abdellatif Ouahbi (PAM) a ainsi demandé la suppression des articles relatifs à l’enrichissement illicite en affirmant que «ce sujet devait être traité par la Cour des comptes, chargée de réceptionner les déclarations de patrimoine des hauts cadres et des responsables gérant les deniers publics et habilitée à soumettre les dossiers au parquet général, en cas de poursuites judiciaires pour mauvaise gestion de l’argent public».
Il faut rappeler que la pénalisation de l’enrichissement illégal avait suscité des débats houleux, lors de la précédente mandature, quand l’ex-ministre de la justice, Mustapha Ramid, avait présenté un exposé sur le projet de loi relatif au code pénal devant le Conseil du gouvernement. Face à ce tollé, le ministre a supprimé la clause des sanctions pénales et limité les catégories concernées par cette loi aux seuls fonctionnaires assujettis à la déclaration obligatoire de patrimoine. L’article incriminé stipule qu’«est considéré comme coupable d’enrichissement illicite tout fonctionnaire public qui, après sa prise de fonction, a vu son patrimoine augmenter de façon sensible et injustifiée au vu des revenus déclarés. S’il est reconnu coupable, le fonctionnaire est passible d’une peine allant de 2 mois à 2 ans de prison et d’une amende de 5.000 à 50.000 dirhams. Dans le cas d’une condamnation par la justice, ses biens peuvent être saisis conformément à l’article 42 du code pénal».
Au cours de la discussion des amendements du code pénal, «l’ambiguïté» qui caractérise la pénalisation de l’enrichissement illicite a suscité beaucoup d’inquiétudes au sein d’institutions constitutionnelles comme l’Instance nationale de lutte contre la corruption. Les responsables de cette institution ont proposé la création d’une juridiction indépendante chargée d’enquêter sur l’enrichissement illicite. Mais cette proposition a été rejetée par les parlementaires qui prétendent qu’elle pourrait porter atteinte aux principes fondamentaux du code pénal et de la Constitution, notamment en ce qui concerne le respect de la présomption d’innocence. De plus, estiment-ils, cette juridiction risque d’être exploitée pour combattre les adversaires politiques.