La circulaire du ministère de l’intérieur relative à l’article 70 de la loi organique des collectivités locales suscite des controverses juridiques au sein des élus et des spécialistes du droit. Certains la considèrent comme une ingérence dans les affaires de la justice puisque puisque, selon eux, elle somme les Walis et gouverneurs à influencer les juridictions administratives. Or, expliquent les mêmes sources, la constitution accorde ces prérogatives à la seule justice sans qu’elle ne soit orientée, ni influencée par quiconque. Sauf que la note ministérielle (distribuée lundi) de Abdelouafi Laftit contient une formulation impérative pour saisir «Le juge des référés au sein du tribunal administratif» en cas de litige au sein du conseil de la commune. Une procédure d’urgence qui relève de compétence de la justice. A préciser, cependant, que le tribunal administratif a déjà commencé à étudier les dossiers inhérents à la destitution des présidents des communes, et ce bien avant la publication de ladite circulaire.
Le quotidien Assabah rapporte, dans son édition du jeudi 11 octobre, que les mêmes sources indiquent que le ministère de l’intérieur n’est pas habilité à désigner la nature de la juridiction qui devrait statuer sur ce litige. Et d’ajouter que ce département s’est tellement embrouillé dans les ordres donnés aux Walis et aux gouverneurs qu’il s'est cru investi de l’autorité sur la justice.
Les tribunaux administratifs ne statuent d’urgence que sur des litiges qui nécessitent la prise de décisions provisoires et des mesures conservatoires. Par contre, le référé administratif n’est pas habilité à statuer sur le fond et, par conséquent, à trancher sur des différents concernant les élections, la destitution ou la révocation. Du coup, estiment les mêmes sources, le ministère a commis une grosse erreur en obligeant les agents d’autorité à déférer devant la justice les présidents de communes. La procédure en référé ne s’applique que dans le cas où un président de commune refuse ou cesse d’assumer sa fonction pendant une période de deux mois. Encore faut-il préciser qu’avant de le déférer devant cette juridiction, il faut lui envoyer un avertissement et lui donner un délai d’une semaine pour reprendre son poste.
L’erreur commise dans la circulaire de Laftit, signée de plus par le patron de la direction des collectivités locales, figure dans le paragraphe suivant: «Si le président refuse de notifier la requête de la démission dans l’ordre du jour de la session, les Walis et les gouverneurs doivent soumettre ce litige devant le référé du tribunal administratif compétent».
De son côté, le quotidien Al Ahdath Al Maghribia traite du même sujet dans son édition du jeudi 11 octobre, considérant que Laftit a tranché sur la loi qui révoque les présidents des communes. Il est vrai que l’article 70 de la loi organique des collectivités locales a suscité des débats juridiques très contradictoires. Mais la circulaire de Laftit a défini son mode d’application en affirmant que, si la requête de démission est soutenue par les 2/3 des élus du conseil, elle doit figurer dans l’ordre du jour. En cas de refus du président, il faut soumettre ce dossier à la juridiction des référés du tribunal administratif.
Dans son édition du jeudi 11 octobre, le quotidien Al Akhbar a, pour sa part, longuement expliqué l’article 70 tout en indiquant que son application avait déjà commencé. Il cite notamment le cas du gouverneur de Mohammedia, Ali Salem Chagaf, qui a déposé, mardi dernier, une plainte en référé devant le tribunal administratif de Casablanca contre le président de la commune de Mohammedia. Le recours du ministère l’Intérieur à la justice fait suite au refus du président Hassan Antara (PJD) d’enregistrer dans l’ordre du jour de la session le point relatif à sa destitution. Il avait reçu, auparavant, une requête des deux tiers du conseil dont certains membres appartiennent à son propre parti ainsi qu’à ceux de l’USFP, du PAM et du RNI. Et comme la session d’octobre n’a pu se tenir, pour la deuxième fois, faute de quorum, le tribunal a entamé sa première audience, hier mercredi, pour étudier cette plainte.
Dans la circulaire adressée aux Walis et aux gouverneurs, le ministre de l’intérieur exige l’application de l’article 70, du moment que trois ans sont passés après le début du mandat en cours. Le ministre a précisé que le délai défini commence à partir de la date d’affectation, soit le 4 septembre 2015 et non pas à partir de la date de l’élection du conseil. Il faut aussi, ajoute le ministre, tenir compte de la date de la tenue de la session et non pas de celle de la présentation de la requête de la révocation du président. Ce faisant, la demande des deux tiers des élus doit obligatoirement figurer dans l’ordre du jour de la session du conseil de la commune. Si le président refuse de s’y astreindre, il faut que ce litige soit soumis en référé au tribunal administratif.
L’article 70 de la loi organique des collectivités locales permet aux élus de présenter une requête pour demander la révocation du président, et ce après l’expiration de trois ans de la mandature. Cependant, pour activer cette procédure, la requête de démission doit être soutenue par les 2/3 des élus du conseil. Cette démarche, qui ne peut se produire qu'une seule fois, doit être enregistrée dans l’ordre du jour de la session. Si le président refuse de présenter sa démission, le conseil peut demander par une délibération (approuvée par les 3/4 de ses membres) au gouverneur de saisir le tribunal administratif en vue de statuer sur la demande de révocation du président en question. Le tribunal doit statuer sur cette affaire dans un délai de 30 jours à partir de la réception de la plainte de l’agent d’autorité.