En annonçant la prolongation de l’état d’urgence et l’allègement progressif du confinement, Saâd-Eddine El Othmani a eu du mal à convaincre les parlementaires de l’efficacité de la stratégie du gouvernement face à la crise épidémiologique. Le bilan que le Chef de l’Exécutif a présenté devant la chambre des représentants a été contesté, y compris par les composantes de la majorité voire au sein de son propre parti.
En effet, c’est l’influent député du PJD, Abdallah Bouanou, qui a été le plus virulent dans ses critiques en pointant du doigt l’inutilité du prolongement de l’état d’urgence sanitaire: «Tous les indicateurs démontrent qu’un grand nombre de secteurs économiques et sociaux se sont effondrés face à cette situation de crise à cause de la stratégie du gouvernement qui s’est limitée à lutter contre la propagation du coronavirus en prorogeant le confinement».
Tout en reconnaissant, chiffres à l’appui, que la situation épidémiologique a durement affecté l’économie nationale, El Othmani a déclaré que l’état d’urgence sanitaire avait atteint ses objectifs, notamment en matière de maitrise de la pandémie. Mais, ajoute-t-il, les risques sont toujours grands, particulièrement avec l’apparition de foyers de contamination dans les milieux familiaux et professionnels. C’est pour cela, poursuit El Othmani, que le gouvernement a décidé de prolonger l’état d’urgence sanitaire tout en procédant à l’assouplissement du confinement selon la situation épidémiologique de chaque région.
L’intervention du PJDiste Abdallah Bouanou en a surpris plus d’un, et particulièrement son frère dans le parti, Saâd-Eddine El Othmani. Dans une déclaration accordée à Al Ahdath Al Maghribia dans son édition du vendredi 12 juin, le bouillonnant député islamiste a souligné qu’il est inconcevable de maintenir le confinement quand on sait que le PIB connaitra une décroissance de 7 points et que l’économie nationale perd chaque jour près d’un milliard de dirhams.
Répondant au Chef du gouvernement, Bouanou a souligné que la prolongation de l’état d’urgence sanitaire pour la troisième fois manque de clarté: «Ce plan de sortie de confinement a éludé la problématique de l’ouverture des frontières dont est tributaire le secteur du tourisme et a escamoté la problématique du retour des Marocains bloqués à l’étranger». Le même intervenant a vivement critiqué l’absence des élus dans les comités de vigilance régionaux sachant, dit-il, que la police administrative relève des prérogatives des présidents de commune.
Le secrétaire général du PAM, Abdellatif Ouahbi, a pour sa part annoncé que son parti retirait son soutien politique au gouvernement dans sa gestion de la pandémie. Il faut rappeler que ce parti de l’opposition avait approuvé le déplafonnement de la dette extérieure prévu par la loi de Finances.
Le patron du PAM a indiqué que la stratégie du gouvernement face à la pandémie a échoué, notamment sur les volets sociaux et économiques, tout en reprochant à Saâd-Eddine El Othmani d’avoir délégué ses prérogatives: «Votre devoir est de faire usage de tous vos pouvoirs constitutionnels et non de les déléguer à certains ministres, aux gouverneurs et aux walis. Vous vous êtes désisté de votre mission constitutionnelle en tant qu’institution qui coordonne les départements ministériels tout en marginalisant les institutions élues et les conseils des régions».
Les députés du parti de l’Istiqlal ont été tout aussi critiques envers la gestion de la crise épidémiologique par le gouvernement. La course aux déclarations et aux fuites, précisent-ils, a désorienté les Marocains qui ne savaient plus à quel saint se vouer. D’autant, ajoutent-ils, que le chef du gouvernement fait des déclarations ambiguës qui n’ont fait qu’augmenter l’inquiétude des citoyens. Encore faut-il rappeler que Saâd-Eddine El Othman s’est adressé à des médias étrangers et a oublié de donner la primauté de l’information au Parlement, concluent les députés Istiqlaliens.