L’affaire du pédophile espagnol, gracié par le roi à l’occasion de la fête du trône, a marqué deux premières dans l’histoire du Maroc post-indépendance. Pour la première fois, un ministre du gouvernement se désengage publiquement de toute responsabilité dans un dossier embarrassant, tout en laissant supposer que cette responsabilité se trouve dans le camp du roi. Et pour la première fois également, un roi alaouite s’explique devant l’opinion publique sur un sujet qui fait l’actualité. Si l’action du roi Mohammed VI est en phase avec son esprit réformateur et constitue une nouvelle expression d’une monarchie évolutive, le communiqué de Mustapha Ramid, ministre de la Justice et des libertés, mérite en revanche un commentaire.
A quoi joue le ministre PJDiste ?
Les faits d’abord. Vendredi 2 août, un communiqué intitulé "Eclaircissement du ministère de la Justice et des libertés" apporte la version du département de Ramid sur la libération de Daniel Galvan Fina, pédophile espagnol condamné à 30 ans de réclusion pour le viol de 11 enfants à Kénitra. Ce communiqué, toujours consultable sur le site du ministère de la Justice, désengage de toute responsabilité le département de Ramid et dirige les regards vers le roi : "Il s’agit d’une décision royale dictée sans doute par des intérêts nationaux, même si le bénéficiaire est impliqué dans des crimes". Et d’ajouter : "Le ministère de la Justice n’a aucun lien avec l’établissement de la liste de la grâce dont ont fait l’objet les ressortissants espagnols". En d’autres termes, cherchez le coupable ailleurs. Où ? Vers le Palais royal. L’agence de presse officielle, le MAP, qui a boycotté les déclarations de Ramid ainsi que son communiqué, a vite compris les dessous de la manœuvre du ministre de la Justice.
Brandissant très haut des mains propres, Ramid a voulu se montrer irréprochable. A quoi joue-t-il en se disculpant tout en cherchant à mouiller le roi ? Car il ne s’agit ni plus ni moins que d’une tentative de laver de tout soupçon son département, tout en ouvrant un champ d’accusation dirigé vers le roi. De deux choses l'une : ou Ramid n’a aucun sens des intérêts de l’Etat et fait cavalier seul comme quand il courait au sein de son parti, prenant souvent des décisions isolées à l’instar de sa participation aux manifestations du 20 février dans la rue et, dans ce cas, il n’a pas la maturité que requiert sa responsabilité et devrait tirer les leçons de son acte. Ou bien c’est un homme qui sait ce qu’il fait et qui a très bien mesuré qu’en se lavant les mains, il embarrasserait l’institution monarchique. Et, dans ce cas, c’est un ennemi à l’intérieur du gouvernement de Sa Majesté.