Droits humains: la DIDH répond à l’AMDH sur la question des récépissés de création des associations

Le délégué interministériel aux droits de l’homme, Ahmed Chaouki Benyoub.

Le délégué interministériel aux droits de l’homme, Ahmed Chaouki Benyoub. . DR

La Délégation interministérielle aux droits de l'Homme (DIDH) a estimé que «la question du récépissé de déclaration de création des associations ne doit pas être exploitée dans une posture de victimisation».

Le 22/02/2022 à 08h21

Dans un communiqué, la DIDH indique que le rapport «d'examen spécial concernant la protection des droits de l'Homme» a été formel en concédant qu'il existait deux principaux courants, le premier, réformiste, adoptant une démarche de détection avec l'objectif d'apporter sa contribution dans le processus de réforme en tant que partenaire, et l'autre, radical à l'extrême de l'opposition qui critique dans le but seulement de dénoncer et de discréditer.

Le communiqué souligne aussi que cette vérité se vérifie à la lecture du communiqué dernièrement publié par l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH) au sujet des récépissés et dans lequel cette association s'insurge sur ce qu'elle appelle «le despotisme et ses institutions de droits de l'Homme dénaturées» et contre aussi «les actes qui circonscrivent la liberté d'expression, le droit de réunion pacifique et la constitution d'association allant jusqu'au bannissement et à une interdiction claire, outre les atteintes à la société civile et sa régression sans précédent, même aux années de plomb».

«Indubitablement, les auteurs de ce discours et non pas tous les grands militants de cette association qui ont, naguère, façonné son histoire, ne connaissent ni les années de plomb, ni les sacrifices consenties pour rompre avec cette époque-là, et encore moins les efforts nécessaires pour préserver les acquis», déplore le communiqué.

Le DIDH tient, à ce propos, à préciser que «le fait de qualifier de radical ce courant prétendument droit-de-l'hommiste n'est en aucun cas motivé par une certaine hostilité mais c'est la description fidèle d'une réalité», soulignant que «tout compte fait, il est légitime de saluer que l'un des acquis de notre pays est la liberté d'expression des opinions, quand bien même venant de l'extrême de l'opposition et dont les auteurs se doivent de prendre leurs responsabilités, sans victimisation aucune».

Sur toujours ce même registre, la Délégation interministérielle aux droits de l'Homme ne peut s'empêcher d'exprimer son étonnement quant aux propos contenus dans ce même communiqué et du fait qu'une association marocaine «se fait la caisse de résonance d'une ONG résolument hostile à notre pays et que nous appelons par la même à accorder son intérêt à la région qui connaît un effondrement des Etats, une déliquescence des patrimoines civilisationnels et une violation flagrante des droits de l'homme, à supposer bien évidemment que son statut d'organisation internationale puisse l'aider à apporter une assistance urgente aux victimes des exactions».

Et de faire remarquer que le rapport «d'examen spécial concernant la protection des droits de l'Homme», n'a pas été le premier à montrer du doigt ce courant puisqu'une organisation marocaine des droits de l'homme de poids avait déjà déclaré que «toute évocation objective de l'état des lieux des droits de l'Homme n'est pas compatible avec 'le souffle révolutionnaire' qui appréhende les situations dans une logique de rupture brutale et totale et une approche idéaliste des solutions et des réponses car le domaine des droits de l'homme est, par essence, réformiste prônant une démarche progressive, basée sur les acquis».

Le communiqué rappelle encore une fois que cette association «n'est pas parvenue à ce jour à présenter un dossier complet sur ses allégations et que sa section à Rabat s'est excusée deux fois de suite ce mois-ci en ne présentant pas au siège de la DIDH en réponse à une correspondance de la délégation concernant la régularisation de sa situation juridique et en dépit aussi d'un accord avec les responsables locaux de la section fixant la date d'une entrevue», ajoutant que «cette même attitude s'est déjà produite avec le ministère d’Etat chargé des droits de l'Homme et des relations avec le parlement dont certains responsables avaient demandé à cette association, à l'issue d'une réunion formelle, de leur fournir une liste des sections concernées par la question des récépissés mais sans réponse».

La DIDH assure, par ailleurs, qu'elle «poursuit sa mission dans le domaine de la protection comme cela a été annoncé via son dernier communiqué sur sa stratégie en la matière ainsi que sa contribution dans la détection des déficits réels et juridiques, outre le lancement des alertes et la présentation de propositions, et par ricochet, la Délégation n'est pas une autorité administrative concernée par la réception des déclarations de création des associations, ni non plus l'autorité de tutelle chargée du contrôle judiciaire sur le sujet».

«En conséquence, et au regard et en compatibilité avec son rôle, la DIDH tranche au sujet des associations d'un point de vue relatif à la politique des droits de l'Homme, en disant que cette question des récépissés ne doit pas être exploitée dans une posture de victimisation, ni encore à des fins d'instrumentalisation politicienne», souligne le communiqué de la DIDH.

De plus, «la DIDH constate une lacune flagrante au niveau de la loi régissant les associations qui porte, d'une part, sur l'équilibre de fond entre le droit de l'autorité administrative concernée par la réception des déclarations et la remise des récépissés, pouvant éventuellement constater un cas d'incompatibilité avec la constitution et la loi, et décider toute seule, à titre préventif ou répressif, sur le plan du maintien de l'ordre public et d'autre part, la possibilité pour la justice de trancher dans le refus d'une décision administrative et d'apprécier le pouvoir discrétionnaire de l'administration».

Le communiqué indique aussi que «la DIDH estime que l'action des organisations et associations de la société civile s'inscrit aujourd'hui, au vu de la Constitution, dans le domaine de l'intérêt pour les questions concernant la chose publique dont l'une de ses illustrations est la réactivité du plan législatif et de l'évaluation des politiques publiques ainsi que le suivi de la matérialisation des engagements de l’Etat».

«Ce qui suppose, sans doute, une révision des dispositions régissant l'activité des associations de manière à être en phase avec les principes et les fondamentaux constitutionnels», suggère le communiqué, indiquant que la gestion de la question des récépissés nécessite désormais une révision dans le cadre d'une vision globale portant sur la loi des associations, et ce, à la lumière de la Constitution et des dynamiques impulsées grâce à elle dans le domaine de la société civile jusqu'aux confins du Maroc et aussi au regard des propositions présentées par le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) ainsi que les recommandations issus du Dialogue National sur la Société Civile et de la Déclaration de Rabat des Associations Démocratiques et autres initiatives de la société civile.

En conclusion, la DIDH réitère son appel pour une réactivité positive vis-à-vis des initiatives gouvernementales sur le sujet des associations, notamment celles du Secrétariat général du gouvernement et du ministère chargée des relations avec le parlement, lancées à l'occasion de la discussion des budgets sectoriels, tout en annonçant qu'elle envisage de préparer un avis sur le sujet.

Le 22/02/2022 à 08h21