Après le bilan d’étape à mi-mandat gouvernemental présenté en séance plénière devant les deux chambres du Parlement, puis l’exercice devenu mensuel des réponses aux questions des députés, Sâad-Eddine El Othmani n’a pas manqué de se faire peur en se montrant faussement solide.Alors que ce sont les députés qui sont légalement habilités à faire usage d’une motion de défiance pour mettre son gouvernement en minorité et le renverser, c’est finalement lui qui défie les élus de la nation de mettre en œuvre une telle procédure, plutôt que de leur demander patience ou un petit délai de grâce.
Selon le quotidien Al Akhbar de ce lundi 3 juin, qui consacre à cette défiance mutuelle son dossier politique, le chef du gouvernement, en faisant semblant de ne pas craindre une motion de censure, joue ainsi avec le feu. Pour une raison très simple : s’il estime que l’opposition parlementaire est plus que jamais émiettée, il oublie que la majorité gouvernementale qu’il dirige n’est pas mieux lotie.
Cette défiance inutile transparaît d’ailleurs dans ses critiques acerbes décochées en direction de l’opposition accusée, pêle-mêle, d’exiger un bilan final alors que le gouvernement n’est qu’à mi-mandat, ce qui dénote, selon lui, d’une «perte de boussole» et d’un «populisme feint» qui cherche à donner une «mauvaise image du pays». Clamant que son programme gouvernemental va bon train et qu’il réalisera tous les chantiers promis, El Othmani s’est montré insouciant face à la menace de certains députés de mettre en œuvre l’Article 105 de la constitution.
Selon ce texte, «la Chambre des représentants peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure. Celle-ci n’est recevable que si elle est signée par le cinquième au moins des membres composant la Chambre. La motion de censure n’est approuvée par la Chambre des représentants que par un vote pris à la majorité absolue des membres qui la composent. Le vote ne peut intervenir que trois jours francs après le dépôt de la motion. Le vote de censure entraîne la démission collective du gouvernement. Lorsque le gouvernement est censuré par la Chambre des représentants, aucune motion de censure de cette Chambre n’est recevable pendant un délai d’un an.»
Al Akhbar estime que cette menace ne doit pas être prise à la légère, du moment que les six partis composant la majorité gouvernementale actuelle sont à couteaux tirés, et sont déjà entrés en compétition pour les échéances de 2021. Même le cadre qui leur sert de dialogue pour dissiper les malentendus, à savoir la Charte de la majorité, est devenu inopérant puisque les chefs de ces partis ne se réunissent que très irrégulièrement. Signe qui ne trompe pas, le PPS, pourtant considéré comme le plus fidèle allié gouvernemental du PJD, a, entre autres désaccords, vertement critiqué la politique de l’autruche adoptée par Sâad-Eddine El Othmani, qui ne daigne plus ouvrir des canaux de communication adéquats avec les partis de sa majorité gouvernementale.