Le chef du gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani, est sorti de son silence pour évoquer des sujets chauds qui font l’actualité. Il a ainsi abordé la loi-cadre sur l’enseignement et son impact sur la cohésion du groupe parlementaire de son parti, notamment après la sortie tonitruante de Benkirane. Il a, en outre, parlé des divisions au sein de la majorité, de la relation avec l’institution royale et de la course avant l’heure pour les élections.
Lors de son intervention, vendredi dernier, devant les membres du groupe parlementaire de son parti, El Othmani a exprimé son mécontentement face à l’évocation par certains partis de l’amendement de l’article 47 de la Constitution. L’article 47 dispose que «le roi nomme le chef du gouvernement au sein du parti arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des représentants et au vu des résultats». Le chef du PJD explique ce revirement comme étant «la preuve que certains partis craignent le verdict des élections. Mais le citoyen saura que l’amendement de cet article est dirigé contre le PJD et vise à faire douter des institutions du pays». Et El Othmani de rappeler que ceux qui sont derrière ces appels ont déjà essayé de baisser le seuil électoral de de 6 à 3%: «Je ne sais pas ce qu’ils vont inventer encore et je ne comprends pas leur hantise des élections».
Le quotidien Akhbar Al Youm rapporte dans son édition du lundi 15 avril que le chef de gouvernement a appelé ses pairs a préserver la stabilité du Maroc, considéré comme «une oasis dans un environnement trouble». Faisant allusion à la disposition de son parti à privilégier le consensus, El Othmani a souligné: «Il faut qu’on réussisse d’abord à préserver la stabilité du pays et son épanouissement car à tout problème existe sa solution».
Quant aux critiques qui lui sont adressées concernant son renoncement à ses prérogatives, il réplique tout bonnement: «Je travaille sous la responsabilité de Sa Majesté le roi». «Je ne suis pas un héros qui en fait rêver certains», a-t-il ajouté, tout en précisant qu’il n’accepte pas que certains lui dictent «comment il doit se comporter avec Sa Majesté le roi». Et d’ajouter: «Nous sommes conscients de la situation actuelle et nous comprenons les choses… Sa Majesté nous a toujours soutenus et je le dis du fond de mon cœur».
Le chef du gouvernement nie l’existence de divisions au sein de son parti. Pour preuve, dit-il, le groupe parlementaire du PJD a voté vendredi dernier en faveur de la reconduction de Habib El Malki à la tête de la chambre des représentants: «C’est une réponse à ceux qui claironnent que notre groupe parlementaire est divisé. Bien au contraire, le secrétariat général a pris la décision de voter pour Habib El Malki et notre groupe a suivi les consignes».
Quant aux divergences sur la loi-cadre de l’enseignement, El Othmani s’est contenté de dire qu’une décision sera prise pour l’intérêt de la nation et celui du parti. Dans une réponse indirecte à Benkirane qui lui a demandé de démissionner si le parlement vote pour la «francisation de l’enseignement», le chef du gouvernement a joué l’apaisement. Il a même laissé entendre que son opinion sur ce sujet ne diffère pas de celle de Benkirane: «La loi-cadre sur l’enseignement est une décision politique et non pas technique. J’ai personnellement évité de prendre position sur le sujet pour laisser la porte ouverte au débat et au dialogue. Je chéris la langue arabe autant que mes ancêtres mais nous sommes face à des choses très pointues et tout érudit a plus savant que lui». Le patron du PJD a souligné que le secrétariat général prendrait une position qui tient compte de l’intérêt de la nation. Et comme pour préparer son parti à un telle décision, il a indiqué que «la décision sera politique, souveraine et pouvant être juste ou sujette à erreur».
El Othmani verse encore davantage dans l’ambiguïté en demandant de trouver une «solution de juste milieu concernant la langue d’enseignement entre deux opinions antinomiques». La première, ajoute-t-il, considère le vote en faveur de la loi-cadre comme une «trahison et un blasphème». C’est une attitude «exagérée» estime-t-il. La deuxième, poursuit El Othmani, «sous-estime la langue arabe» et la considère comme inadaptée à l’enseignement des matières scientifiques et techniques. C’est une «attitude extrémiste» juge-t-il. Au lieu de trancher, le chef du gouvernement donne deux jugements sur les opinions des uns et des autres. Il est facile de deviner pour quel camp penche son cœur en scrutant les termes qu’il a employés pour qualifier ceux qui «sont pour ou contre l’arabe».
Et pour noyer davantage le poisson, il affirme que la loi-cadre contient des articles «inédits en faveur de la langue arabe». Il cite notamment l’obligation d’enseigner des modules en arabe dans les écoles et les facultés qui enseignent les sciences. Toujours hanté par l’équilibre de ses propos, El Othmani considère qu’il «n'existe pas de différend sur l’alternance linguistique, seuls quelques détails restent à clarifier». Autant dire, conclut le chef du gouvernement, qu’il ne faut pas exagérer en parlant de «graves divergences» et de provoquer une guerre similaire à celle de Dahis et El Ghabra ( VIe siècle J-C).