Qu’est-ce qui pousse le PJD à vouloir imposer le maintien du scrutin de liste lors des élections communales et même à l’étendre aux communes de plus de 20.000 habitants, contre 35.000 actuellement? Cela alors que plusieurs partis demandent le retour à l’uninominal ou, du moins, limiter le scrutin à la proportionnelle aux communes de plus de 50.000 habitants comme le souhaitent l’Istiqlal et le PPS, ou de 100.000 habitants comme le suggère l’UC.
La réponse n’a rien à voir avec un souci de démocratisation, ni de meilleure représentation des citoyens. Le PJD a tout bonnement fait ses calculs et ces derniers le donnent gagnant. En effet, une étude réalisée par le centre de recherche Tafra, dont l’hebdomadaire La Vie éco a repris les conclusions dans son édition du vendredi 1er janvier, le démontre clairement.
Cette étude a d’ailleurs prouvé que le PJD doit sa percée dans les grandes communes, non pas à la pertinence de son offre politique, encore moins au vote d’une classe moyenne politiquement engagée. Pour ce faire, et s’appuyant sur la base de données relative aux élections de 2003 et 2009, la plus complète d’ailleurs, les chercheurs se sont intéressés aux communes qui se trouvent d’un côté et de l’autre du seuil fixé pour passer d’un mode de scrutin à l’autre, à quelques milliers d’habitants près.
Concrètement, pour les élections communales de 2003, ils ont étudié les résultats de trois groupes de partis, le PJD, les partis de la Koutla et les autres partis dans les communes d’un peu plus et un peu moins de 25.000 habitants. A priori, rien ne change entre les deux types de commune, ni leur structure démographique ni leur composition socio-économique. Le seul paramètre qui change, c’est le mode de scrutin. Pour les élections de 2009, ce seuil a été relevé à 35.000 habitants. Et dans les deux cas, le PJD a nettement amélioré son score.
Ainsi, en 2003, le PJD a doublé le nombre de sièges remportés, en pourcentage, précise La Vie éco. Il est ainsi passé d’un très faible pourcentage (environ 2%) à près de 5%. Lors des mêmes élections communales, les partis de la Koutla par exemple ont connu une baisse de leur part de sièges (d’environ 12% à 10%). Le même phénomène s’est reproduit lors des élections de 2009. Le MP, le RNI et l’UC, par exemple, ont perdu environ 5 points de pourcentage de sièges dans les villes soumises au scrutin proportionnel suite au passage du seuil à 35 000 habitants. En nombre de sièges, cela représente une perte d’environ 33%. A l’inverse, le PJD bénéficie d’une augmentation d’environ 6%. En d’autres termes, le parti islamiste a doublé le nombre de ses sièges en passant d’un mode de scrutin à l’autre.
Nous parlons ici d’un parti qui, à l’époque, était en pleine ascension politique et électorale, souligne l’hebdomadaire. Un parti qui a su tirer profit de la discipline de vote de ses membres, de ses sympathisants et surtout des membres de multiples associations qui gravitent autour de lui. Aujourd’hui, c’est un parti affaibli par l’usure du pouvoir et miné par des guéguerres et des dissensions internes. Et à défaut de pouvoir convaincre à nouveau les citoyens par ses réalisations alors qu’il est aux commandes, aussi bien au niveau national qu’à l’échelle locale surtout dans les grandes villes, il s’accroche aux paramètres techniques, comme seule bouée de sauvetage. D’ailleurs, conclut l’hebdomadaire, le fait qu’il ait perdu il y a une semaine la mairie de Mohammédia, un de ses fiefs électoraux, devant son rival, le RNI, est un des nombreux signes de son déclin électoral.