Un rapport de l’Inspection générale de l’administration territoriale du ministère de l’Intérieur a révélé l’existence d’une fraude grave et organisée au ministère de l’Education nationale. Certaines écoles privées qui ne disposent pas d’autorisation d’exercer ont en effet piraté les mots de passe du programme informatique «Massar» pour enregistrer les résultats de leurs étudiants. Les propriétaires de ces établissements, souvent des hommes d’affaires, profitent de leur influence et de leurs relations avec des responsables de ce ministère pour outrepasser les règlements en vigueur. Un département de tutelle qui s’avère incapable d’appliquer les lois devant ces «gros bonnets» qui investissent dans l’enseignement privé.
Le rapport du ministère de l’Intérieur démasque le député du PAM et président du conseil provincial de Taza, Abdelouahed Messaoudi, qui a construit et exploité l’école Bayane située dans la résidence Amine. Le président du conseil communal de Taza et dirigeant du PJD, Jamal Messaoudi, a fermé les yeux sur cette violation de la loi. Il n’a osé prendre aucune mesure quand le député a commencé à exploiter cette école cette année. Pourtant, il savait qu’il ne disposait pas d’autorisations nécessaires, notamment celles régissant le domaine de l’éducation et de la formation.
Le quotidien Al Akhbar rapporte, dans son édition du lundi 18 février, que le député Messaoudi a procédé à un raccordement illégal au réseau électrique à partir d’une résidence voisine et a alimenté l’école en eau de puits sans s’assurer qu’elle est potable.
Après la divulgation du rapport du ministère de l’Intérieur, un scandale a éclaté quand l’un des responsables du ministère de l’Education nationale a révélé la méthode employée par le directeur de l’école Bayane pour inscrire les élèves dans le programme Massar.
Ce programme est un système informatique qui permet à chaque établissement de créer une base de données des élèves et de faire le suivi individuel de chaque apprenant. «Massar» permet en outre aux parents d’élèves d’avoir accès aux sites électroniques des établissements d’enseignement pour connaître les dates des devoirs de contrôle continu, l’emploi du temps de leurs enfants et le suivi de leurs résultats scolaires. Etant donné l’importance que revêt ce programme, la clé d’accès à ce système qui commande les notations des élèves et l’impression des résultats des examens ne peut être délivrée à une école ne possédant pas une autorisation définitive.
Le directeur de l’Académie de la région Fès-Meknès, Mohcine Zouak, a confirmé que l’école ne dispose pas d’autorisation pour exercer. Il précise que l’Académie lui a délivré l’approbation initiale mais qu’il n’a pas complété son dossier juridique, notamment la présentation des plans et l’autorisation de construire. Zouak a indiqué que l’Académie a rédigé des rapports sur ce dossier et a informé les autorités compétentes pour qu’elles prennent les décisions qui s’imposent. Et de marteler: «Pour l’Académie, cet établissement n’existe pas. La responsabilité incombe aux autres services compétents de faire leur travail».
Le chef de service de l’enseignement privé de l’Académie, Mohamed Jermouni, a accablé les autorités qui ont failli à leur mission: «Nous avons informé les autorités locales de Taza afin qu’ils ferment cet établissement». Et d’expliquer comment les dirigeants de cette école ont pu accéder au programme «Massar»: «Ils y ont accédé de manière illégale, peut-être en utilisant le mot de passe d’un autre établissement». De son côté, le directeur de l’enseignement à Taza, Abdelouahed El Merzouki, a indique que «l’établissement Bayane ne dispose pas d’autorisation définitive. La direction a d’ailleurs établi un rapport sur les violations constatées à l’intérieur de cet établissement après avoir procédé à l’inscription des élèves au début de l’année scolaire actuelle. Une commission d’inspection a notifié toutes les violations et les a transmises aux autorités compétentes».
Interrogé sur la manière avec laquelle la direction de l’école a pu se procurer le mot de passe de «Massar», El Merzouki a catégoriquement nié l’implication de la direction provinciale. Et de poursuivre: «Pour nous, cet établissement n’existe pas, n’est pas reconnu et ne dispose d’aucun compte informatique au sein de la direction provinciale de l’enseignement de Taza. Son propriétaire assume la responsabilité du sort réservé aux élèves inscrits dans cette école».
El Merzouki rappelle que tous les établissements autorisés disposent d’un compte dans le système «Massar» pour enregistrer les notes des élèves. Il n’exclut pas l’utilisation d’un mot de passe d’une autre école privée. D’autant, ajoute-t-il, que le député possède une autre école qui porte le même nom dans une ville située dans les environs de Rabat.