Le remaniement a minima du gouvernement, l’allocution d’Emmanuel Macron en prélude au Conseil des ministres, puis son interview depuis la Nouvelle-Calédonie sont à l’image d’un quinquennat mort-né.
Ils marquent une spectaculaire accélération de la déconstruction des institutions et actent l’enfermement du président dans le déni, faute de disposer de la moindre solution à la crise existentielle de la France, souligne le magazine Le Point sous le grand titre en couverture: «Y a-t-il encore un président?».
Au terme de cent jours, dont le bilan se réduit aux «dramatiques émeutes» qui ont embrasé quelque 500 villes sur l’ensemble du territoire, la confusion et le flottement n’ont jamais été aussi présents à la tête de l’État, relève la publication, ajoutant que le remaniement se limite à la promotion de proches du président.
«La communication semble tout, le sens de l’État rien»
«Il acte le rétrécissement de sa base politique, mais révèle aussi la vraie nature du macronisme, à savoir la prise du pouvoir par une coterie d’aventuriers à la faveur de la défaillance de François Hollande et de François Fillon, puis à sa conservation grâce au coup de dés de la guerre en Ukraine», soutient l’hebdomadaire.
Lire aussi : Dans la tête de Macron (une fiction où tout est vrai!)
La méthode «stupéfiante», qui a vu la Première ministre reconduite par voie de presse puis les ministres entrants ou sortants égrener leur départ ou leur nomination, témoigne du «mépris» d’Emmanuel Macron pour les institutions dont il est censé être le garant. «On ne voit plus, aujourd’hui, ni président, ni gouvernement, ni majorité, ni parti, mais une galaxie d’autoentrepreneurs pour lesquels la communication semble tout, et le sens de l’État rien, le destin personnel tout et le bien commun, rien», dénonce la publication.
«Les mots se sont substitués à la réalité»
Et de poursuivre que «les interventions d’Emmanuel Macron ne sont pas moins déstructurées que son mode d’exercice du pouvoir». «Non seulement les mots ont divorcé d’avec la réalité, mais ils s’y sont substitués. L’efficacité du gouvernement a été saluée et le rétablissement de l’ordre républicain célébré, alors que les stigmates des émeutes témoignent de la sortie de toute limite de la violence, que la police entre en rébellion et que s’installe un climat de guerre civile qui donne raison à la prédiction de Gérard Collomb», soutient-on.
Le satisfecit sur le progrès des services publics est démenti par le limogeage des ministres de l’Éducation, de la Santé et du Logement, conséquence de l’effondrement de ces trois biens essentiels pour la vie quotidienne des Français, selon l’auteur de l’article, qui fait observer que l’appel à remettre en ordre les finances publiques à partir de l’automne est dénué de toute crédibilité venant d’un président qui porte la responsabilité de 700 des 3.000 milliards d’euros de dette publique et qui n’a cessé d’annoncer des dépenses nouvelles tout au long des «Cent-Jours» qu’il avait décrétés.
Lire aussi : De la pratique «jupitérienne» du pouvoir du président Macron
Selon l’hebdomadaire, Emmanuel Macron a quitté le monde réel pour s’installer dans l’univers des vérités alternatives, relevant que les faits montrent que la France fait exception parmi les démocraties en ayant enchaîné, depuis 2017, trois crises sociales majeures (le mouvement des Gilets jaunes, les protestations contre la réforme des retraites et les émeutes urbaines), qui témoignent de la désespérance de la France périphérique, de la paupérisation de la classe moyenne et de l’anomie de pans entiers de la population et du territoire qui vivent dans une contre-société régie par la loi des trafiquants et du communautarisme.
Un État obèse et impotent
Le modèle économique de décroissance à crédit est insoutenable, qui allie croissance nulle, baisse de la productivité, chômage de masse, décrochage de la richesse par habitant et montée de la pauvreté, laquelle touche plus de 9 millions de personnes alors que l’économie française affiche désormais le profil d’un pays émergent proche du défaut, avec un triple déficit des finances publiques (4,7% du PIB), de la balance commerciale (7%) et des comptes courants (2% du PIB), renchérit-on.
Et d’enchaîner que l’État obèse et impotent accapare 58% du PIB tout en étant incapable d’assurer les services de base concernant la sécurité, la justice, l’éducation, la santé ou les transports, alors que l’image et la réputation de la France en Europe et dans le monde connaissent une dégradation sans précédent depuis la fin de la IVème République.
Lire aussi : Les Français et Emmanuel Macron: la fracture
Les songes d’Emmanuel Macron créent un vide politique qui laisse le champ libre à des risques majeurs, estime le magazine, citant les Jeux olympiques de 2024 qui menacent de tourner au fiasco avec l’accumulation des retards en matière d’équipements, de transport, de sécurité, de reprise en main de la capitale, insalubre et dangereuse, en même temps que les coûts explosent pour approcher les 10 milliards d’euros.
Une dette publique de 3.000 milliards d’euros
Avec une dette publique de plus de 3.000 milliards d’euros et en l’absence de politique de rigueur assumée, la France court droit à la crise financière lorsque les taux d’intérêt réels deviendront positifs, souligne l’auteur.
Il note aussi le risque de la montée aux extrêmes de la violence et la perte de contrôle de l’ordre public qui mettent directement en péril la démocratie, la sécurité étant le premier des droits de l’homme et la condition de la liberté, sans oublier le risque que constitue le renoncement devant la désintégration de l’État et de la République, qui prépare méthodiquement l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.
Selon la publication, un sursaut reste possible, mais à condition qu’Emmanuel Macron «sorte du déni pour se confronter et confronter les Français à la vérité sur la situation du pays».