Cela s’est passé au Caire, dimanche dernier, en marge de la réunion des pays donateurs pour la reconstruction de Gaza. M’barka Bouaida, notre ministre déléguée aux Affaires étrangères, croise Laurent Fabius, le locataire actuel du Quai d’Orsay. La ministre marocaine tout sourire lui tend la main. Fabius la regarde de haut et lui tourne les talons. Pas du tout élégant de la part du diplomate en chef de la République…La veille, c’était le boss de Bouaida (au parti comme au ministère) qui renvoyait la France à son passé colonialiste. Salaheddine Mezouar, ministre des Affaires étrangères, profitait de sa tribune en réunion de la majorité pour tenir un discours virulent à l’adresse de la République, qu’il a pris soin de ne pas citer nommément. Le ministre en a pris, des coups, de la part de nos amis de l’Hexagone. Souvenez-vous : la fouille en règle que le ministre avait subie, en mars dernier, à l’aéroport Charles De Gaule alors qu’il était en transit. Autres déconvenues peu diplomatiques: ces rumeurs sur sa présumée nationalité française ou encore cette fuite orchestrée, en septembre, de la lettre qu’il a reçue de Laurent Fabius pour l’aider à trouver un emploi à sa fille en France.Ce genre d’attaques sur le plan personnel, Mezouar n’est pas le seul à en faire les frais. M’barka Bouaida, sa ministre déléguée, vient elle aussi de voir des photos et un courriel qui relèvent de sa vie privée fuiter…
Provocation et ingérence
Mais c’est au plus haut dans l’échelle de l’Etat que les incidents diplomatiques se multiplient et entachent le climat de confiance sur l’axe Rabat – Paris. Le 20 février dernier, la police française, avec ses gros sabots, a débarqué dans la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris, pour notifier une convocation à Abdellatif Hammouchi (haut sécuritaire marocain, patron de la DGST) pour une plainte farfelue et sans aucun égard au circuit diplomatique. Le jour même, le quotidien Le Monde prêtait des propos graves à l'ambassadeur de France aux Nations Unies, Gérard Araud, traitant le Maroc de «maîtresse avec laquelle on dort toutes les nuits, dont on n'est pas particulièrement amoureux mais qu'on doit défendre». Malgré la protestation officielle du royaume, et les excuses tout aussi officielles de la République, la provocation ne s’est pas arrêtée là. Elle a même mué en ingérence. En mai, Mohamed Anbar, un magistrat marocain (radié depuis), a été reçu à l’ambassade de France à Rabat pour discuter de la suspension de la coopération judiciaire entre les deux pays, sans aviser le ministère marocain de la Justice. Pis encore, une partie de la diplomatie française n’a pas apprécié que le département des Affaires étrangères marocain réagisse et convoque l’ambassadeur, pour explication au sujet de cette réunion qui avait rassemblé, en plus du juge marocain non autorisé, un juge de liaison français et un représentant des services français de renseignement…
Entre discours et actes
«Une frange du quai d’Orsay a toujours cette attitude paternaliste avec le Maroc. Elle n’admet pas que la diplomatie du royaume refuse de se soumettre et lui demande des comptes légitimes», explique une source proche des milieux diplomatiques. Et d’ajouter: «mais il y a plusieurs occupants du quai d’Orsay qui ne comprennent pas d’où viennent ces nuisances sur les relations franco-marocaines. Surtout que les discours officiels se veulent très conviviales et ne reflètent pas la moindre crise». Et il est vrai que les discours sont faits pour amadouer…
Le dernier en date, prononcé par le président François Hollande, mardi dernier, ne sort pas de ce registre. En inaugurant l'exposition "Le Maroc contemporain" à l'Institut du monde arabe (IMA), il a eu des propos rassurants quand au dépassement de cette crise: "Je veux maintenir les relations de confiance et dépasser les difficultés qui peuvent parfois surgir parce que nous avons besoin l'un de l'autre", a-t-il lancé. Mais dans l’assistance, de tels propos n’ont pas suffi pour rassurer. Car de telles promesses peinent à contrer les manœuvres en coulisses qui minent l’entente entre les deux pays. Certaines parties s’activent à multiplier les provocations pour empêcher un retour à des relations normales. « Alors que l’on a le sentiment que le gouvernement français veut tourner la page de la crise, des parties en France oeuvrent à contresens de cette volonté », ajoute notre source. Ces parties empêchent de faire ce que les politiques disent. D’ailleurs bien avant Hollande, son Premier ministre, Manuel Valls – à l’occasion de la cérémonie de célébration de la fête du Trône à l’ambassade du Maroc à Paris – a répété le même refrain, à quelques mots près. Il avait même annoncé une visite officielle au royaume qu’il n’a jamais entreprise. Parce que entre temps, il y a eu encore une fois une série d’actes hostiles en direction du Maroc, orchestrés en coulisse par les mêmes parties occultes. Deux questions légitimes demeurent : est-ce que le gouvernement français n’a pas assez d’autorité sur ces parties pour mettre un terme à leur nuisance ? Ou est-ce qu’il n’y a pas suffisamment de volonté pour leur signifier d’arrêter ces provocations à répétition ?Les vrais alliés des deux pays, liés par des intérêts économiques et culturels, espèrent voir les beaux discours se transformer en actes concrets. Car comme dit l’adage: il n’y a pas d’amour… il n’y a que des preuves d’amour. C’est valable, plus qu’ailleurs, en relations internationales.