Le Maroc est devenu un tropisme de la politique intérieure algérienne. Les investisseurs, européens ou autres, boudent-ils l’Algérie, c’est forcément la faute au Maroc ! Pourquoi le royaume est-il devenu la mauvaise conscience du voisin de l’Est ? L’implantation officialisée de Peugeot à Kénitra, après celle de Renault à Tanger, et la liste est encore longue, a été perçue -c’est l’inverse qui nous aurait étonné- comme un coup dirigé contre Alger. Loin de nous l’idée de revenir sur la théorie du «malade imaginaire», mais l’argumentaire servi par l’establishment voisin, relayé par une presse embedded (embarquée), prête plutôt au sourire. Car ce dont a besoin l’Algérie, ce n’est pas de botox pour lifter son image, mais d’une radioscopie de tout son corps malade. Comment, dans un pays roulant sur l’or (4,3 trillions de mètres cubes de gaz, 2380.000 de barils de pétrole), un peuple puisse être en proie à la misère la plus sévère? 30% de pauvreté, 20% de chômage … Comment un pays, en l’occurrence l’Algérie, puisse détenir cette palme peu reluisante de troisième importateur de blé au monde ? Tout importer ou presque, et ne rien exporter ou presque, en dehors des hydrocarbures (98%) ?
Voilà des vérités que le régime voisin n’ose pas regarder en face, et préfère, en véritable parano’, se défausser sur un voisin de l’Ouest dont le seul tort est d’avoir fait le choix de l’effort, pour avancer et rejoindre les pays développés.
Dans le concert des cris d’orfraies, relevées ici et là en Algérie, il se trouve que des voix raisonnables osent l’autocritique. Il en va ainsi du journal «Tout sur l’Algérie» qui a bien voulu se livrer au jeu périlleux du divan. «Pourquoi les investisseurs préfèrent le Maroc à l’Algérie ?», s’interroge la publication, en essayant d’y trouver quelques éléments de réponse. Petit rappel en passant : «le constructeur automobile PSA (Peugeot-Citroën) a officialisé, vendredi 1 juin, son installation au Maroc. Une usine importante (90.000 véhicules) qui prévoit même la fabrication de moteurs sur place, un élément clé. Le taux d’intégration devrait atteindre dès le départ 60% puis, à terme, les 80%, proche des travaux réalisés dans les pays développés. C’est le deuxième projet d’envergure au Maroc après celui de l’autre constructeur français, Renault».
Notons, à toutes fins utiles, et pour éviter soigneusement le syndrome de « complotite » cher aux décideurs algériens, que ce sont, ici, les propos du journal « Tout sur l’Algérie ». On vous laisse le soin de méditer sur cet éclair on ne peut plus édifiant : «Cela peut paraître paradoxal au moment où les relations entre le Maroc et la France peinent à se réchauffer depuis une brouille diplomatique. De l’autre côté, la lune de miel entre Alger et Paris dure, mais tarde à porter ses fruits sur le plan économique : les investisseurs français semblent très peu sensibles au contexte politique et diplomatique».
Bien évidemment, le président « normal », François Hollande, ne peut pas inviter les investisseurs français à aller « se suicider » dans un pays où il ne fait même pas bon vivre, à plus forte raison « investir ». Seulement voilà, les investisseurs français sont-ils les seuls à opter pour la destination Maroc ? « Au-delà du cas le plus récent de Peugeot, de nombreux investisseurs étrangers –et non pas seulement français- privilégient le Maroc à l’Algérie. L’Américain Ford dans l’automobile ou le géant chinois des télécommunications Huawei sont des exemples sur une longue liste », constate le « TSA », à juste titre d’ailleurs.
Il pleut de l'argent sur le Maroc !
Premier argument, et il n’est pas des moindres : la stabilité et le fonctionnement politique. « Début 2011, après le vent de révoltes ayant soufflé sur le monde arabe, le roi du Maroc avait promis des réformes politiques », rappelle le « TSA ». Chose promise, chose due : le 1er juillet 2011, référendum sur un nouveau texte constitutionnel plébiscité par le peuple marocain. Et ce n’est pas tout. Les premières élections post-constitution ont porté les opposants islamistes au pouvoir, en l’occurrence le Parti justice et développement (PJD).
«En Face, les réformes politiques tardent à se concrétiser en Algérie. Illustration de ce blocage politique : la révision de la Constitution, promise par le président Bouteflika en même temps que le roi du Maroc en 2011, n’a toujours pas vu le jour», relève le journal algérien.
Un joli coup de maître réussi par le royaume, à la faveur d’une stabilité politique et sociale qui, sans jeu de mots, continue de briller par son absence en Algérie, voire à l’échelle de toute la région MENA.
Deuxième raison invoquée par nos confères du « TSA », les incitations fiscales et économiques. « Les investisseurs étrangers jouissent d’avantages fiscaux et parafiscaux conséquents. A titre d’exemple, le statut Casablanca Finance City comprend des incitations fiscales, des facilités de change et des facilités sur le « doing business, c’est-à-dire, l’environnement des affaires », fait valoir le « TSA ». « Ensuite, les entreprises étrangères peuvent s’installer en zones franches dont Tanger-Med et Kénitra. Ces espaces sont soustraits aux réglementations douanières, de change etc. et surtout, ces zones ouvrent droit à des exemptions d’impôts, taxes et droits de douanes ». « Par ailleurs, le Maroc jouit d’un partenariat avec l’Union européenne à un stade plus avancé que l’Algérie. Ainsi, les entreprises européennes qui délocalisent leur production ou s’installent au Maroc, trouveront plus de facilités pour exporter leurs produits vers l’UE».
Troisièmement, le royaume, contrairement à la « folie des grandeurs » qui semble animer les décideurs algériens, a misé, côté infrastructures, sur la qualité et l’efficacité. « Des lignes de trains performantes sur des axes stratégiques (Tanger-Casablanca), des plateformes portuaires et logistiques comme Tanger-Med, dignes des plus importants ports méditerranéens, des services de télécommunications et d’Internet très performants … », détaille le « TSA », indiquant que « ces infrastructures bien pensées permettent au pays de tirer profit de son positionnement stratégique (Méditerranée, océan Atlantique, Afrique) et d’être une plateforme d’exportation prisée ».
Autre atout à l’actif du royaume, la performance du tissu Petites et Moyennes entreprises (PME). « Pour développer une industrie automobile (ou autre), le pays doit être doté d’un tissu performant de petites et moyennes entreprises. Les grands groupes peuvent ainsi développer la sous-traitance », explique la publication algérienne, en mettant en exergue l’efficacité de l’élite économique marocaine qui s’est lancée avec succès à l’assaut des marchés africains, pendant que les entreprises algériennes peinent à être compétitives sur le sol ».
A cela, il faut ajouter « l’efficacité de l’administration marocaine qui dispose, en nombre suffisant, de cadres compétents, formés dans de grandes universités et écoles internationales ». Ainsi, « le royaume dispose de sérieuses capacités de négociations, à même de challenger les plus grandes multinationales et obtenir de réels projets, bénéfiques pour le royaume ». En Algérie, par contre, « les négociateurs sont souvent d’un niveau très faible, de l’aveu même des partenaires étrangers qui s’expriment en privé ».
En privé ou en public, là n’est pas l’enjeu. « Ne disposant pas de recettes tirées de l’exportation d’hydrocarbures –le Maroc est un importateur d’énergie- le royaume est forcé de trouver les bons mécanismes et le bon modèle pour diversifier son économie. L’agriculture (exportations), le tourisme, les services (télécommunications, finances) et l’industrie (dont l’automobile) figurent parmi les secteurs les plus porteurs de l’économie marocaine », relève encore le « TSA ». Les chiffres sont très éloquents. «En 2012, l’industrie automobile a dégagé des recettes d’exportations de plus de 2,6 milliards de dollars. Ce chiffre est amené à augmenter sensiblement dans les années à venir ». Par ailleurs, «le secteur bancaire marocain joue pleinement son rôle de financement de l’économie et les banques marocaines, à l’image de l’établissement Attijariwafa Bank, s’internationalisent et sont présentes dans plusieurs pays africains », fait valoir le journal algérien. Et pas vraiment à tort. Le travail paie.