Nabil Benabdellah, malgré le faible poids électoral de son parti, n’était pas un ministre ordinaire dans le gouvernement de Benkirane, ni d’ailleurs dans celui d’El Othmani. Il était au cœur des négociations de formation de ces deux gouvernements et en a même influencé le cours. Quelle est donc la nature des relations de ce «superministre» avec les islamistes?
Dans son édition actuellement en kiosque, l’hebdomadaire Al Ayyam s’intéresse particulièrement aux rapports entre le chef de file des ex-communistes et les islamistes. Dans l’entretien qu’il a accordé à l’hebdomadaire, Benabdellah tient à préciser que la relation qu’il entretient avec Abdelilah Benkirane est quasi-personnelle.
Une relation qui a jailli d’une adversité, pour ne pas dire inimitié, que les deux hommes, et leurs formations respectives, vouaient au PAM qui venait à peine de voir le jour. C’était à la fin de la première décennie de ce siècle. Les événement sociaux de 2011, le contexte de l’élaboration de la nouvelle Constitution a consolidé cette relation qui a pris un nouvel élan avec la formation du premier gouvernement du PJD.
Au moment où il a proposé aux instances de son parti de faire partie du gouvernement, 60% d’entre elles étaient d’accord, sous certaines conditions. Puis, 10% des membres du bureau politique se sont opposés à ce que le PPS fasse partie du gouvernement islamiste. Ou plutôt le gouvernement de Benkirane pour être plus précis, puisque comme l’a d’ailleurs rappelé le secrétaire général, le PPS a quitté le gouvernement d’El Othmani à mi-mandat. Du côté des islamistes, le PPS a été accueilli à bras ouverts.
Les négociations ont été bouclées en deux réunions, avec la participation, en plus de Benkirane, de feu Abdellah Baha et du côté du PPS de Benabdellah et de Mohamed Amine Sbihi, devenu ministre de la Culture. Lors de ces rencontres, le PPS a posé ses conditions, les toutes premières. Pas question de participer au gouvernement avec seulement un portefeuille ou même deux. Benabdellah et ses amis exigeaient une forte participation ou rien. Par «participation de taille», le chef de file du PPS voulait dire au moins cinq portefeuilles ministériels.
Le chef du gouvernement ne s’est pas fait prier, il a tout de suite donné son accord pour quatre postes. Le cinquième portefeuille, le PPS va l’obtenir deux ans plus tard lorsque l’Istiqlal claque la porte du gouvernement. Mettant en avant l’opportunité de renforcer la présence féminine au gouvernement, Benabdellah y a vu l’occasion de proposer la membre du bureau politique Charafat Afailal.
Le secrétaire général du PPS avoue n’avoir rien évoqué des négociations avec Benkirane devant les membres du bureau politique de son parti. Il a souhaité peser dans le gouvernement, et donc influencer ses décisions, et il l’a obtenu. Ce qui a fait dire à plusieurs commentateurs, confie Benabdellah lui-même, que, vu son poids politique, le PPS a su négocier sa participation au gouvernement. Cela d’autant que c’est Benabdellah qui a choisi les portefeuilles qui allaient être confiés à son parti.
D’après ce dernier, il aurait fait comprendre à Benkirane que sa participation au gouvernement n’était pas acquise. Mais le chef du gouvernement n’a rien voulu entendre. Benkirane lui aurait proposé le portefeuille des Affaires étrangères. En politicien avisé, le chef de file du PPS n’a pas accepté sur le coup. Après en avoir référé aux membres de la direction de son parti, cette dernière était partagée. D’un côté, le poste avec son poids et sa symbolique ne laisserait aucun parti indifférent. D’un autre côté, il s’agissait d’un poste politique alors que le parti souhaitait plutôt gérer les départements à caractère économique ou social, en tout cas des ministères en lien direct avec les citoyens. C’est donc pour cela que son secrétaire général a opté pour le ministère de l’Aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville qu’il a, du reste, dû partager avec le MP lors du premier remaniement du gouvernement Benkirane.