«C’est le grand sujet polémique de la relation France-Maghreb. La spectaculaire et brusque rareté des visas accordés par les consulats français agace prodigieusement», écrit le politologue Mustapha Tossa dans cette analyse: «Les visas, une arme française à double tranchant!».
Selon ce politologue, le «choc» des visas atteint de plein fouet une élite habituée à alimenter une incessante mobilité entre les deux rives de la Méditerranée. Il ajoute qu’aujourd’hui, freinée dans son élan par cette réduction drastique des visas, cette élite rumine sa déception et interpelle les pouvoirs en place.
Mustapha Tossa estime que cette question est le sujet «cardinal» sur lequel le gouvernement français et sa ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, sont «très attendus», et rappelle que la décision d’imposer un régime sec aux demandeurs maghrébins de visas (50% de moins pour le Maroc et l’Algérie, 30% pour la Tunisie), avait été prise dans un contexte électoral très abrasif, avec une extrême-droite qui imposait à Emmanuel Macron, en manque de postures solides sur les sujets régaliens et la sécurité, de prendre des décisions radicales.
Lire aussi : Visa Schengen: 27,6% des demandes faites au Maroc sont rejetées
Pour Mustapha Tossa, cette démarche dissimulait mal sa portée électoraliste à un moment clé où la gouvernance Macron traversait de «sérieuses zones de turbulences». Il indique qu'aujourd'hui, son maintien «n’a plus sa raison d’être», d’autant que le cauchemar Zemmour a fait un grand « pshitt», alors que l’extrême-droite représentée par Marine Le Pen a été politiquement contenue.
Aux yeux de l’auteur, il s’agit d’une arme à double tranchant, qui punit ceux qui aiment la France ou la pratiquent pour des raisons de commerce, d’études, de tourisme ou simplement pour des raisons familiales.
Son maintien sans autres explications qu’une «vague crainte» que les détenteurs de visas puissent tomber dans l’illégalité du séjour en France est de nature à distendre les liens humains et culturels puissants entre la France et ses voisins du Maghreb, prévient l’auteur de cette analyse.
Pour toutes ces raisons, observe Mustapha Tossa, le gouvernement français, avec à la tête de sa diplomatie une grande professionnelle et experte en relations internationales comme Catherine Colonna, devrait avoir comme priorité de sortir la relation France/Maghreb de la dangereuse impasse vers laquelle elle se dirige, explique l’auteur, pour lequel Emmanuel Macron «ne peut se permettre le luxe à chaque occasion de mettre en valeur l’exceptionnel lien qui lie la France à cette région, tout en maintenant une attitude de sanctions et de mise en demeure au risque de l’abîmer considérablement».
Lire aussi : Français de l’étranger: Karim Ben Cheikh au défi de LREM… Et des restrictions sur les visas
Et si l’on ajoute à cet imbroglio que la décision française de priver de visas une grande majorité de Maghrébins «jette du fiel sur un sentiment anti-français exploité par des forces extrémistes dans cette région», l’urgence pour Paris de revoir sa stratégie s’impose avec une grande acuité aujourd’hui plus que demain.
Les plus optimistes parient sur le fait qu’une fois sortie de cette longue séquence électorale, la diplomatie française reprendra ses esprits, son légendaire réalisme et optera pour un retour progressif à la normale dans ses relations spécifiques, précieuses et gagnant-gagnant avec les pays du Maghreb, fait valoir le politologue.
Toutefois, cela ne sera possible que si le Quai d’Orsay, lieu de la diplomatie française, arrive à avoir une prééminence de la décision et des choix autres que le tout-sécuritaire, conclut Mustapha Tossa.