La vérité n’est pas toujours bonne à dire, mais il est parfois nécessaire de la divulguer pour distinguer le bon grain de l’ivraie. C’est en tout cas cette volonté de dire des «vérités choquantes» qui a présidé, selon le quotidien Al Ahdath Al Maghribia du mardi 10 mars, au choix de ce rapport que vient de publier le Conseil national des droits de l’Homme sur les événements d’Al Hoceima (2016-2017).
Amina Bouayach, la présidente du CNDH, a ainsi déclaré que ce rapport de 400 pages avait été établi en toute indépendance, sans concessions, ni arrangement, suivant une méthodologie et des critères scientifiques rigoureux. Et d'ajouter que même s’il divulgue des «vérités choquantes», ces dernières «doivent être partagées pour servir le renforcement de la démocratie et le respect des droits de l’Homme».
Grosso modo, ce rapport explique que si les événements d’Al Hoceima ont d’abord commencé par un mouvement très pacifique qui a duré plusieurs mois, ils ont finalement dégénéré pour être marqués par une violence inouïe. Les fake news distillées durant ces événements ont largement contribué à la recrudescence des violences où s’affrontaient forces de l’ordre et manifestants. Ainsi, le rapport du CNDH estime que 80% des informations, dont celles sur de présumées tortures, étaient totalement fausses. La plupart de ces informations, balancées en continu sur les réseaux sociaux, venaient essentiellement d’Europe et, plus précisément, de la Belgique, des Pays-Bas et de l’Allemagne.
Concernant Nasser Zefzafi, le rapport du CNDH précise que son arrestation s'explique par le fait d'avoir transgressé la loi en portant atteinte à la foi et à la liberté de culte des citoyens, en interrompant un prêche du vendredi en pleine mosquée et en arrachant de force un micro des mains d’un imam pour prêcher un discours de la violence et de la haine.
Et ce n’est pas tout. Après avoir énoncé les dégâts humains et matériels énormes consécutifs aux événements d’Al Hoceima, le CNDH a tordu le cou à plusieurs contre-vérités qui avaient circulé à l’époque: les analyses médicales ont prouvé que Zefzafi n’avait jamais été torturé en prison, que les conditions de son emprisonnement étaient conformes à la reglémentation, que le procès des prévenus d’Al Hoceima avait été dans l’ensemble juste...
Pour sa part, le quotidien Al Akhbar s’est attardé sur les trois stades par lesquels sont passées les manifestations d’Al Hoceima, tel que relevé par le rapport du CNDH. Dans un premier stade, c’est-à-dire d’octobre 2016 à mars 2017, les manifestations étaient pacifiques, à tel point qu’aucune intervention ni même présence des forces de l’ordre n’a été enregistrée. Ce stade a été aussi caractérisé par le tambourinage de casseroles, de jour comme de nuit, et le port de tenues noires.
Le second stade, que le rapport qualifie de «phase d’échange de jets de pierres entre manifestants et forces de l’ordre», a duré quelques jours seulement en mars 2017, lorsque les forces de l’ordre sont intervenues pour dégager la voie publique, obstruée en permanence par les manifestants. Durant cette phase, deux personnes trouveront la mort, et des dizaines de membres de forces de l’ordre seront blessés.
Le 26 mars 2017 marque le début de la troisième phase, que le CNDH appelle celle de la «violence extrême» marquée par l'usage d'armes blanches chez les manifestants puis la mise à feu d’une caserne relevant des forces de l’ordre.
Enfin, Al Massae rapporte que cette grave mutation des manifestations, de pacifiques à très violentes, aurait pu être évitée si le gouvernement de l’époque, comme le dit le CNDH, avait su maintenir le fil du dialogue avec les élus et acteurs socio-économiques d’Al Hoceima, tout en accélérant la mise en œuvre du plan de développement de la région. Le séisme d'Al Hoceima est passé par là.