Après plus de deux mois de pronostics, de spéculations et parfois de prophéties sur ce que sera le gouvernement remanié de Saâd-Eddine El Othmani, la presse quotidienne arabophone de ce vendredi 11 octobre est largement revenue sur l’équipe des 23 qui a été divulguée dans l’après-midi du 10 octobre.
Cachant mal sa déception face à un gouvernement où le PJD reste présent en force, le quotidien Al Akhbar, qui analyse «les coulisses du gouvernement le plus réduit de l’Histoire du Maroc», trouve néanmoins beaucoup de points positifs à la nouvelle équipe. A commencer par le débarquement d’une vingtaine de ministres du navire gouvernemental, même si les nouveaux visages se limitent à quelque 6 "novices", dont quatre femmes.
Le second avantage du nouveau gouvernement serait, toujours selon Al Akhbar, le grand nombre de ministres et compétences non-partisans, qui de surcroît occupent des départements stratégiques, et ce en réponse à la volonté du roi Mohammed VI d’injecter les compétences au sein de tous les étages supérieurs de l’administration en vue d’assurer un bon pilotage des chantiers de réforme en cours et du nouveau modèle de développement en phase d’élaboration.
Le troisième point positif de ce remaniement serait la fin de l’éparpillement des secteurs d’un même domaine entre plusieurs ministères. L’homogénéité est désormais la règle, estime Al Akhbar qui salue l’adjonction de la culture au département de la Jeunesse et des sports, et l’élimination du ministère de la Communication qui n’a pas le droit d’être face aux institutions ad hoc, comme la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HACA) et le Conseil national de la presse. Et ce, même si cette agrégation des secteurs du même domaine a donné lieu à de gros ministères comme celui du Tourisme, du transport aérien, de l’artisanat et de l’économie sociale.
Des «super-ministères qui ont la peau dure» titre, pour sa part, le quotidien Al Massae qui explique cet état de fait par la réduction drastique du nombre de portefeuilles ministériels. De même, estime ce quotidien, il est fort probable qu’une telle équipe aura à gérer les affaires publiques en gardant un oeil sur le grand tournant que pourra constituer l’horizon 2021 et ses échéances électorales.
Mais c’est à un tout autre son de cloche que l’on a droit dans les colonnes d’Assabah qui consacre un dossier de plusieurs pages au nouveau gouvernement. En effet, ce quotidien rapporte que le «plat du remaniement» servi par El Othmani n’a pas été fidèle aux attentes que l’opinion espérait, car le chef du gouvernement a semblé ne pas avoir compris les instructions royales déclinées dans les récents discours du trône et lors de l’anniversaire de la révolution du roi et du peuple. Rareté des nouveaux visages et, par ricochet, des compétences pointues, telle est la principale tare du nouveau gouvernement.
Le constitutionnaliste Rachid Lazrak a d’ailleurs déclaré à Assabah que cette équipe est toujours constituée d’un conglomérat de partis politiques hétéroclites, fédérés par un semblant de consensus politique qui dénote une fausse coalition gouvernementale. Résultat des courses: la fuite en avant, voire la fuite des responsabilités tout court, pourrait rester de mise, met en garde le politologue. Ce dernier ne cache pas qu’il aurait préféré un gouvernement mené par une locomotive de technocrates.
Les mêmes critiques, on les retrouve également dans les colonnes d’Al Ahdath Al Maghribia, dont le dossier s’est également appuyé sur les analyses d’experts en science politique. Ainsi Omar Cherkaoui, professeur de droit constitutionnel, pour ne citer que lui, estime que le nouveau gouvernement n’a pas vraiment apporté de nouveau puisque la structure a très peu changé, alors que la colonne vertébrale est restée intacte.