Depuis l'avènement du règne du roi Mohammed VI, le Maroc a réalisé "un grand «bond en avant»" économique et mis en place une nouvelle trajectoire de politiques sociales, qui, tout en enregistrant un certain succès, accusent quelques limites qu’il convient de dépasser pour installer définitivement le Royaume parmi les pays émergents, écrit lundi le magazine "Forbes" dans sa livraison française.
"Depuis l’entrée dans le nouveau siècle, qui a coïncidé avec l’arrivée sur le trône d’un jeune monarque de trente-six ans, Mohammed VI, le Maroc a effectué un grand bond en avant économique caractérisé par une politique axée sur les investissements dans les infrastructures et la réforme de son tissu productif.
Ceci a permis au pays de bâtir un maillage logistique, énergétique et de transports inédits en Afrique, avec des milliers de kilomètres d’autoroutes, plusieurs aéroports internationaux, le plus grand port d’Afrique, ainsi que le premier train à grande vitesse du continent.
En parallèle, une nouvelle trajectoire des politiques sociales a été mise en place, enregistrant un certain nombre de succès, mais accusant encore quelques limites qu’il convient de dépasser pour installer définitivement le Royaume chérifien parmi les pays émergents", souligne le magazine qui publie une analyse de Najib Benamour, Économiste, ancien Directeur général de la Caisse de compensation marocaine.
Dans cette analyse, l’économiste marocain revient en détail sur les réformes socio-économiques initiées ces vingt dernières années au Maroc, ainsi que sur les politiques sociales de lutte contre la précarité et l’exclusion sociale sous toutes leurs formes, particulièrement la réforme graduelle de la Caisse de compensation.
"Ce filet social mal ciblé qui est devenu trop lourd à supporter financièrement pour l'État marocain". La mise en place des couvertures médicales de base (AMO et RAMED) et l’initiative nationale de développement humain (INDH) ont été initiées par le Souverain pour corriger les distorsions induites par la croissance rapide enregistrée par le Maroc.
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Najib Benamour analyse également la multitude d’investissements opérés par l’Etat notamment dans le logement social, dans le domaine de la généralisation de l’électrification et l’adduction de l’eau potable avec une couverture nationale respectivement de 97% et 75%, les grands travaux d’infrastructure et de désenclavement rural, l’amélioration de la condition de la Femme et son insertion dans le tissu productif national à travers la réforme en 2004 du code du statut personnel (Moudouwana).
Il relève également la réforme de la Constitution en 2011, qui a consacré les principes d’égalité et de parité.
L’ensemble de ces actions directes et indirectes, associées à une croissance économique soutenue, ont permis durant ces deux dernières décennies d’éradiquer la pauvreté absolue et de réduire le taux de pauvreté relative de 16% environ à 4,8% comme elles ont permis de réduire le taux de chômage de 15% à 9,8%, relève l’économiste marocain.
Cependant, «si les réalisations sont nombreuses et positives pour beaucoup d’entre elles, le chemin reste encore long pour éradiquer la pauvreté, la vulnérabilité, réduire les écarts entre riches et pauvres et de manière générale afin d’assurer les conditions d’une vie décente pour la majorité des citoyens », juge-t-il.
Selon l’économiste marocain, "il est difficilement concevable qu’avec une contribution budgétaire annuelle représentant environ 48% du budget de l’Etat alloués directement et indirectement aux secteurs sociaux, le Maroc continue d’afficher des retards dans des domaines aussi vitaux que l’éducation et la formation, l’emploi, la santé, le logement social, le rôle de la femme ».
Il ajoute que « de l’avis de nombreux experts, si les efforts considérables qui ont été fournis n’ont pas produit pleinement les effets escomptés, c’est parce que ces programmes, qui dépassent la centaine, pêchent à la fois de leur éparpillement et de leur manque de convergence".
De ce fait, et afin d’adresser les défis inhérents à la montée en gamme des politiques sociales au Maroc, l’économiste marocain juge "essentiel de remplacer le ciblage territorial par un ciblage individuel afin d’identifier de manière efficace les différentes couches de population nécessiteuses". En parallèle, il est crucial de mettre en place une base de données aussi exhaustive que possible, estime-t-il.
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Enfin, et "pour éviter la déresponsabilisation des acteurs ainsi que l’atomisation des budgets, il serait nécessaire que toutes les interventions sociales soient dévolues à un seul ou deux organismes pour éviter les redondances, les déperditions et permettre les synergies requises pour atteindre les effets souhaités", préconise Najib Benamour.
De son point de vue, "la mise en place du nouveau registre social unifié sera l’une des réponses des plus appropriées pour pallier ce déficit d’efficacité afin de lutter contre les inégalités sociales".
"La mise en place d’un identifiant unique -voulue par le souverain- doit ainsi servir à la confection d’un registre des ménages renseignant sur différents aspects permettant de définir de manière scientifique les classes de population devant bénéficier des aides notamment monétaires non conditionnées.
Ce système gagnerait à être géré par un organisme unique venant se substituer progressivement aux aides actuelles qui sont coûteuses, non correctement ciblées et par conséquent non productives".
En définitive l’objectif de la nouvelle génération de politiques sociales adoptées par le Maroc depuis vingt ans vise non seulement à corriger les distorsions sociales, mais également à libérer les initiatives et à fédérer les énergies.
"Si la double exigence de convergence et d’efficacité est remplie, elle pourra contribuer à l’installation d’une démocratie solidaire dans le développement durabl", affirme en conclusion l'économiste marocain.