Les patrons des partis politiques sont très remontés contre Saâd-Eddine El Othmani. Et pour cause. Le chef du gouvernement, qui ne s’est jamais aventuré à annoncer une décision, liée de près ou de loin à la situation sanitaire, sans avoir pris la précaution de consulter le ministère de la Santé et la commission scientifique, ou du moins de les citer en référence, a commis une bourde en évoquant l’éventualité du report du processus électoral. Cette déclaration a été faite par le chef du gouvernement alors qu’il était l’invité de la MAP dans le cadre d’une série de rencontres avec les chefs de partis, précise le quotidien Al Akhbar qui rapporte l’information dans son édition du week-end des 7 et 8 août.
Certains chefs de partis, au moins cinq d’après le quotidien, ont même saisi le ministre de l’Intérieur pour vérifier la véracité des propos du patron du PJD et la probabilité d’une telle mesure. On pourrait admettre, laisse entendre le quotidien, que certaines parties connues avancent une telle éventualité ou même que la question d’un probable report des élections, en raison de l’aggravation de la situation épidémiologique, fasse débat sur les réseaux sociaux, mais que ce soit le chef du gouvernement qui mette en doute la régularité du processus électoral, cela est grave. Intolérable, même.
Cela d’autant plus que les propos d’El Othmani, pris pour argent comptant, ont très vite fait le tour des réseaux sociaux et le report de l’agenda électoral est vite devenu, pour beaucoup de gens, une certitude. Ce qui, d’après le quotidien, explique en partie la raison de la colère des chefs de partis. Mais au fond, les propos tenus par le chef du gouvernement sont bien plus graves, sachant que, dans l’absolu, la décision de report de l’agenda électoral et son annonce officielle est une prérogative qui relève exclusivement des pouvoirs constitutionnels du Roi. C’est une question qui ne relève donc point des attributions du chef du gouvernement.
Cela d’autant que d’après les constitutionnalistes, le report des élections n’est pas une mince affaire, puisqu’il produit des conséquences légales sur de nombreuses institutions. Les délais constitutionnels sont fermes, précise-t-on. Le mandat de la Chambre des représentants, celui du gouvernement et de la deuxième Chambre des conseils des collectivités territoriales, est fixé explicitement par la Constitution et ne peut donc être rallongé.
Sans entrer dans ces considérations constitutionnelles, la déclaration d’El Othmani est pour le moins inappropriée. Ce dernier, ayant sans doute pris la mesure de la gravité de ses propos, affirme, pour se dédouaner, avoir été mal compris. Ses propos auraient été mal interprétés, assure-t-il. D’après Al Akhbar, El Othmani soutient qu’il parlait dans un cadre théorique, laissant entendre qu’en théorie, justement, si la situation sanitaire l’imposait, on pourrait éventuellement envisager le report du processus électoral. Mais, se reprend-il, il n’existe aucun scénario qui verse dans ce sens.