Dès son arrivée à l’aéroport Ibn Battouta à Tanger, samedi 19 septembre, à 15H30, le président français François Hollande annonce la couleur. «Je souhaite voir la France et le Maroc entrer dans une nouvelle phase de partenariat», précise l’illustre hôte du royaume, comme pour dire à certains médias français qu’il ne faut pas se tromper d’enjeu, car Paris et Rabat n’en sont plus au stade de la «réconciliation», déjà scellée en ce mémorable 4 avril 2015, à l’occasion de la visite du roi Mohammed VI à l’Elysée, et que la «brouille» aura au moins eu le mérite de montrer la solidité des relations entre les deux pays et de tout se dire.
Or voilà, nous y sommes déjà, si l’on veut énumérer les enjeux de cette visite dont la préparation, comme l’a bien précisé le président Hollande, aura pris «plusieurs mois». Premier enjeu de cette visite, et il est hautement politique.
Enjeux politiques majeurs
«Le Maroc est un acteur essentiel de la stabilité régionale», a affirmé le président Hollande, faisant valoir le modèle régional que constitue le royaume en termes de «démocratie et de développement».
Relevée dans la bouche du président de la France, berceau de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, cette déclaration prend un poids particulier. D’autant plus particulier que le chef de l’Etat français a insisté, dès son arrivée à l’aéroport de Tanger, sur la portée internationale de son déplacement au Maroc. Le leadership africain du royaume, combiné à celui de la France en Europe, constitue un motif supplémentaire pour «agir ensemble» en faveur de la «stabilité» et le «développement» en Afrique.
« Cette visite est une occasion pour donner une nouvelle impulsion aux relations entre le Maroc et la France », déclare à Le360 Chakib Benmoussa, ambassadeur du royaume à Paris. Et d’ajouter : «Le contexte régional impose un engagement des deux pays. La lutte contre le terrorisme et la déradicalisation constituent autant de défis pour Paris et Rabat». Ce n’est pas un hasard si le volet sécuritaire se trouve au cœur de la visite du président Hollande. Le Maroc a apporté la preuve de l’efficacité du rôle de ses services dans la préservation de la stabilité et de la paix régionales, voire internationales. L’approche marocaine de la lutte contre l’extrémisme en général, et le terrorisme en particulier, est citée comme un modèle.
Cette visite est également résolument tournée vers l’avenir. Chakib Benmoussa précise à ce sujet : «Cette visite s’inscrit dans une nouvelle phase des relations entre les deux pays et permet de réaffirmer avec force la qualité et le caractère exceptionnels des liens entre la France et le Maroc».
Formation de 50 imams français au Maroc
La signature, hier samedi, d’un accord sur la formation de 50 imams français à l’Institut Mohammed VI, inauguré en mars dernier à Rabat, est, comme l’a si bien souligné le ministre des Affaires islamiques, Ahmed Taoufik, un «événement historique». En effet, il atteste du bien-fondé de l’approche préventive du royaume du fléau terroriste.
Contacté par Le360, le directeur de l’Institut Mohammed VI pour la formation des imams, Abdessalam Lazaar, a mis en exergue la portée politique de l’accord sur la formation des imams français au Maroc. «20 imams français sont déjà en formation à l’Institut Mohammed VI», dévoile M. Lazaar, indiquant que leur inscription était intervenue suite à une demande adressée au roi Mohammed VI par l’Union des mosquées de France. «30 autre imams sont attendus à fin septembre», révèle encore M. Lazaar, soulignant que l’accord signé, hier à Tanger, vient «officialiser» cette initiative à la faveur d’un modèle marocain prônant un «Islam du juste milieu». «Le combat du terrorisme ne se passe pas uniquement par les armes, il est l’aboutissement d’une idéologie qu’il faut combattre aussi sur le front des idées», a-t-il expliqué.
TGV: Le premier TGV d’Afrique est marocain
Samedi 19 septembre, après un entretien en tête-à-tête, le roi Mohammed VI et le président Hollande ont inauguré un centre de maintenance du futur TGV Tanger-Casablanca. Un nouveau jalon a donc été posé sur ce chantier unique en son genre en Afrique qui va pouvoir relier Tanger à Casablanca. Deux pôles économiques majeurs du royaume, en l’espace de deux heures et demie. Le TGV, dont le lancement est prévu pour le premier trimestre de 2018, est l’un des chantiers majeurs du partenariat franco-marocain. C’est l’entreprise française Alstom qui a remporté l’appel d’offres pour la livraison des quatorze rames. La coopération va bon train entre l’ONCF et la SNCF (France) pour la réalisation de ce chantier d’envergure qui va sûrement impacter le mode de transport au Maroc à la faveur d’une dynamique économique qui s’annonce prometteuse.
Tanger-Med : une plateforme d’avenir prometteuse
Autre chantier de la coopération franco-marocaine, et il n’est pas des moindres : Tanger-Med. Le roi Mohammed VI et le président Hollande se sont rendus ce dimanche à ce port, l’un des plus grands au monde, pour inaugurer une nouvelle plateforme, à la construction de laquelle a été associé le géant français du BTP, Bouygues. Cette infrastructure, emblème des efforts de développement des régions du royaume, offre ainsi de belles opportunités de coopération entre le royaume et la France.
Pour bien le souligner, le roi Mohammed VI et le président Hollande poseront pour la traditionnelle photo de famille.
Renault: un partenariat sur les chapeaux de roue
Après avoir augmenté de 24% au cours de l’année 2014, les exportations marocaines de «matériels de transport» (notamment des véhicules Dacia produits à Tanger) vers l’Hexagone, entre autres pays, européens et africains compris, ont poursuivi leur hausse sur une ligne ascendante. La prochaine installation d’une usine PSA à Kénitra devrait booster davantage le volume des exportations marocaines et permettre aux industriels français d’engranger, en retour, des bénéfices importants, d’autant plus que le Maroc, fort d’infrastructures portuaires et autoroutières modernes, constitue une porte d’accès incontournable au marché africain, notamment celui d’Afrique de l’Ouest liée avec le royaume par plusieurs accords de coopération.
Climat : la preuve par les énergies renouvelables
Dimanche, François Hollande et Mohammed VI ont également lancé les travaux d’un Institut de formation professionnelle aux métiers des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (IFMEREE), premier d’un réseau qui bénéficiera d’un prêt souverain de 10 millions d’euros consenti par l’Agence française de développement (AFD).
Le Maroc s’est fixé, en 2013, l’objectif de réaliser 12% d’économies d’énergie à l’horizon 2020 et de porter à 42 % la part des énergies renouvelables dans sa production électrique. A l’issue de cette visite à l’IFMEREE de Tanger, les deux chefs d’Etat signeront un «appel de Tanger» pour le climat, en prélude à la COP21, conférence des Nations Unies sur le changement climatique, qui se tiendra à Paris, à partir du 30 novembre 2015.
Contactée par Le360, Hakima Haïti, ministre de l’Environnement, a expliqué : «L'appel de Tanger est extrêmement important, il est porté par deux chefs d'Etat, Sa Majesté le roi Mohammed VI et le président français François Hollande. C'est un signal fort et mobilisateur qui témoigne de l'intérêt des deux chefs d'Etat pour atteindre un objectif à Paris, celui d'un accord équitable et inclusif. Un accord qui donne une place importante à la préservation de l’environnement et à l'atténuation des facteurs qui détériorent notre environnement».
Selon les observateurs, l'adoption de l’appel de Tanger cible les pays qui souffrent des effets de serre et du changement climatique, en particulier les pays en voie de développement, les pays africains et les pays insulaires. Ces pays aspirent à bénéficier de projets adaptés au changements climatiques.
Selon la ministre, «l'appel de Tanger signifie que le Maroc est engagé dans la préparation de la COP21 qui aura lieu à Paris. Le royaume joue un rôle important dans la facilitation des négociations avec nos amis africains à travers le Forum africain sur le carbone organisé à Marrakech en juin 2015 et le Centre d'expertise sur les changements climatiques créé au Maroc». Et d’ajouter que l’appel de Tanger "est porteur d’un message très édifiant à la communauté internationale". "C'est un engagement de deux chefs d'Etat dont l'un est issu de la rive nord émettant des gaz à effet de serre et un pays non émetteur qui souffre du changement climatique".
Les six axes, mentionnés ci-dessus, apportent la preuve que le “partenariat d’exception“ entre le Maroc et la France ne se limite pas à une expression verbale, mais se traduit par des projets structurants et concrets dont bon nombre sont au cœur des préoccupations des deux pays.