Dans un rapport intitulé «Regard espagnol sur le Sud: de la Méditerranée au Sahel», l’institut espagnol d’études stratégiques, El Cano, a établi plusieurs scénarios de risques pour la sécurité de l’Espagne. Parmi ces risques, figure «le processus de marocanisation de Ceuta et Melilla». Le rapport, présenté devant le ministre espagnol de la Défense, Pedro Morénes, alerte sur le fait que ces deux présides marocains occupés seront, à moyen terme, «insoutenables» sur les plans économique, démographique et identitaire. Le boom démographique que connaissent les deux villes, -75% des enfants nés à Melilla ont des noms arabes-, est porteur d’un risque majeur de conflit social, affirme l’institut espagnol, en précisant que «la structure économique des deux villes ne permet pas l’intégration de cette population dans des conditions acceptables». D'ailleurs, la population marocaine des deux villes occupées souffre déjà de marginalisation, voire de ségrégation sociale: chômage dévastateur, habitat insalubre et augmentation du taux d’échec scolaire. Autant d’ingrédients d’une déflagration sociale annoncée.
Curieuses recommandations d’El Cano
Toujours en rapport avec le Maroc, les experts d’El Cano verraient d’un œil inquiet cette projection de puissance du royaume en Afrique. Dans leur rapport, ils recommandent à Madrid d’œuvrer sans tarder pour un redéploiement économique dans un continent noir riche en «opportunités d’affaires». Une recommandation à prendre avec précaution, puisque les spécialistes d’El Cano conseilleraient aux autorités de Madrid d’accompagner «militairement» ce redéploiement en veillant à créer une force d’intervention hors territoire ibérique. L’ «instabilité» en Afrique, évoquée dans le rapport d’El Cano, constituerait-elle un prétexte à une nouvelle projection militaire espagnole? Une chose reste sûre: la présence de Pedro Morénes, ministre espagnol de la Défense, à la cérémonie de présentation du rapport d’El Cano, n’est pas fortuite. Ce dernier n’a, d’ailleurs, pas fait mystère de sa «convergence de vues» avec le premier responsable militaire en Espagne quant à «la nécessité de prêter attention aux risques susceptibles de provenir du sud de la Méditerranée».