Médiateur du Royaume: quelles missions pour quelle efficacité?

وسيط المملكة، محمد بنعليلو

Le Médiateur du Royaume, Mohamed Benalilou

Revue de presseMalgré sa consécration constitutionnelle, l’indépendance du Médiateur du Royaume s’est avérée contre-productive. Abdallah Kouarouch explique dans Al Ayyam que cette indépendance n’a pas tenu compte des spécificités du système institutionnel marocain, où l’administration privilégie l’autorité politique et les intérêts personnels au détriment des citoyens.

Le 20/03/2025 à 22h28

Le rapport annuel 2023 de l’institution du Médiateur du Royaume, publié récemment dans le Bulletin officiel, met en lumière ses réalisations au cours des dernières années. Ces réalisations concernent tant l’activation de ses attributions que l’amélioration de la réactivité de l’administration publique face à ses recommandations. Cependant, le Médiateur relève un phénomène qu’il qualifie d’«intransigeance administrative», caractérisé par le refus injustifié de certaines administrations de se conformer à ses recommandations concernant de nombreux dossiers.

Les statistiques couvrant la période de 2019 à 2023 illustrent ce manque flagrant de collaboration, comme l’explique le professeur Abdallah Kouarouch, maître de conférences, dans une tribune parue dans l’hebdomadaire Al Ayyam dans sa dernière édition. En effet, sur 1.420 préconisations émises, seules 242 ont été mises en œuvre, soit un taux d’exécution décevant de 17,04 %. En 2011, le Maroc a opéré une transition significative en abandonnant le modèle historique de «Diwan Al Madalim» pour adopter un système inspiré des expériences occidentales, incarné par l’institution du Médiateur. Cette réforme a conduit à la séparation du Médiateur du Royaume de la Cour royale et à sa reconnaissance constitutionnelle en tant qu’institution nationale indépendante. Toutefois, cette indépendance organique, bien que consacrée par la Constitution, a paradoxalement affaibli sa position, car elle n’a pas pris en compte les spécificités du système institutionnel marocain.

En isolant le Médiateur de l’institution royale, qui incarne un poids juridique, politique et symbolique considérable, cette réforme a conduit le gouvernement et le Parlement à le marginaliser. De plus, l’absence de lien formel avec les trois principales institutions constitutionnelles a libéré ces dernières de toute obligation juridique ou éthique envers le Médiateur. Le gouvernement ne le consulte pas lors de l’élaboration des projets de loi, comme le prévoit pourtant la Constitution. De même, le Parlement ne lui a pas permis, dans de nombreux cas, de présenter les conclusions de ses rapports annuels, malgré les correspondances adressées aux présidents des deux chambres.

La loi n° 14.16, quant à elle, n’a pas doté l’institution du Médiateur des moyens nécessaires pour assumer pleinement son rôle ambitieux. En effet, le Médiateur ne dispose pas du pouvoir de prendre des décisions contraignantes à l’égard des services administratifs. Le législateur lui a uniquement accordé la faculté de formuler des recommandations et des propositions, dont la mise en œuvre dépend de la volonté des décideurs au sein des administrations concernées. Un examen attentif des rapports annuels de l’institution révèle ce déséquilibre manifeste, notamment dans le langage justificatif employé pour décrire la position de l’administration publique face à certains dossiers.

Bien que le nouveau concept de l’autorité ait été conçu pour recentrer l’administration sur le service aux citoyens, les pratiques administratives n’ont pas suivi. Selon Al Ayyam, les efforts législatifs et institutionnels, comme la création du Médiateur, n’ont pas suffi à changer la donne. Les structures administratives restent dominées par des traditions qui privilégient l’autorité politique et les intérêts personnels au détriment de l’intérêt général.

Par Hassan Benadad
Le 20/03/2025 à 22h28

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