Les journalistes marocains qui ont assisté à l'échange de Michelle Obama avec des jeunes filles à Marrakech ne sont pas près de l’oublier. Leur présence sur les lieux était inutile ou presque. Pas de question! Pas d’intervention! Décrocher une déclaration de la First Lady relevait de l’impossible. Cet échange, les journalistes auraient en effet pu le suivre en visio-conférence par exemple ou encore à la télévision, confortablement assis. Cela n’aurait rien changé à l’affaire.
Le service presse de l’ambassade des Etats-Unis avait bien informé les journalistes une semaine auparavant que cette rencontre, s’inscrivant dans le cadre du programme «Let Girls Learn» (Laissons les filles aprrendre), était ouverte aux médias. A la question: "Est-ce des interviews ou, à la limite, une déclaration commune de la première dame des Etats-Unis, étaient prévues?", la réponse était mitigée: «Ce n’est pas prévu dans le programme, mais on ne sait pas, peut-être qu’elle accordera une déclaration commune aux télévisions».
C’est cette petite ouverture, cet espoir de pouvoir approcher Michelle Obama et de décrocher une déclaration qui a encouragé les journalistes à tenter le coup tant bien que mal. Tenter le coup tout en sachant pertinemment que les services américains vont tout faire pour verrouiller la sécurité et éviter tout débordement!
C’est ainsi que présents sur les lieux à Dar Diafa, un restaurant dans l’ancienne médina de Marrakech, les cameramen et les journalistes ont dû déposer tout leur matériel contre le mur, traverser la rue et attendre que l’équipe des chiens renifleurs et de leurs maîtres experts fasse le travail.
Passée cette étape, il fallait attendre encore, subir une fouille au corps à l’entrée, s’installer dans une salle d’attente et, enfin, accéder à la salle où Michelle Obama devait prendre la parole, ainsi qu’une vingtaine de jeunes filles marocaines venues de plusieurs régions du Maroc.
La Première dame des Etats-Unis était accompagnée des actrices Meryl Streep et de Freida Pinto. Cette rencontre était modérée par Isha Sesay de la CNN, mais on avait l’impression que la vraie animatrice du débat, c’était Michelle Obama. Installée au centre, munie de son micro, le sourire large, la First Lady ressemblait presque à la journaliste et animatrice vedette américaine Oprah Winfrey.
Vite fait, les médias ont pu remarquer l’attitude de la Première dame des Etats-Unis. Son maquillage était beau et sobre. Sa robe divisait l’assistance. Selon la presse people américaine, Michelle Obama portait une robe signée Peter Pilotto. Fleurie, un peu bariolée sur les bords, cette robe aurait coûté 370 dollars, l’équivalent de 4.000 DH. Beaucoup moins que la robe qu’elle portait la veille lorsqu’elle a été accueillie à l’aéroport par la princesse Lalla Salma. Cette robe, signée Proenza Schouller, a été estimée en effet à 1.750 dollars.
Les journalistes, eux, ont été installés dans le salon, loin du patio central où se trouve la First lady. Pire, les caméras de la trentaine de médias sur place formaient un mur entre les journalistes et Michelle Obama. De telle sorte qu’il n’était pas possible de la voir. Il fallait se contenter de sa voix.
Passé le premier quart d’heure, la chargée de presse de Dar America à Casablanca se dirige vers les journalistes pour les informer qu’ils ne pourront pas rester jusqu'à la fin de la conversation et qu’ils devaient attendre son signal pour se diriger vers la sortie, prendre la navette et se rendre à l’hôtel pour éventuellement parler à des fonctionnaires de l’USAID, de l’ambassade américaine.
Et Michelle Obama? Allez, Meryl Streep? tente une journaliste. Un geste de négation de la tête, suivi d’un "non, ce n’est pas possible", seront l’unique et ultime réponse.
Dans le communiqué de presse, on apprend que l’USAID a octroyé 100 millions de dollars pour l’éducation des jeunes filles au Maroc mais, à aucun moment, cela n’a été déclaré par la Première dame des Etats-Unis.
D’ailleurs, peu d’informations ont filtré lors de cette rencontre ouverte aux médias. Heureusement que Meryl Streep a raconté une petite anecdote sur son enfance, rappelant que ses deux parents n’avaient pas fait d' études supérieures et qu’elle était la seule à avoir accédé à l’université. Michelle Obama, quant à elle, est restée dans le registre des propos convenus, avec un discours généraliste du style "il faut briser les obstacles, se battre pour étudier…"
Autant dire que les oreilles des journalistes n’ont pas eu à entendre une histoire ou des propos de nature à leur rendre moins douloureuse la couverture aveugle du débat de la Première dame des Etats-Unis!