Dans un précédent article, nous nous sommes interrogés sur les raisons ayant poussé le ministre de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, Saaïd Amzazi, à autoriser, par le truchement de visas dérogatoires, l’ouverture de deux nouvelles facultés privées de médecine, rattachées à l’Université internationale de Rabat (UIR) et à l’Université internationale d’Agadir (Universiapolis). Ces deux universités ne disposant pas de terrains de stage.
Ainsi, nous avons fait état de deux commissions (COCESP et CNCES), convoquées précipitamment au lendemain du scrutin du 8 septembre 2021, pour statuer sur ce dossier et donner leur avis favorable, même si ces deux établissements ne sont adossés à aucune structure hospitalière.
«Cette affaire contient tous les ingrédients d’un scandale», a affirmé ce député de l’opposition, membre sortant de la commission de l’Education nationale issue de la Chambre des représentants.
«Le Parlement doit, le plus tôt possible, ouvrir une mission d’information afin d’élucider les circonstances dans lesquelles les deux nouvelles facultés privées de médecine ont pu obtenir l’autorisation du ministère», a ajouté ce député qui a requis l’anonymat.
Le ministre de tutelle, poursuit notre interlocuteur, n’a «jamais informé les membres de la commission parlementaire d’un quelconque projet de création de nouvelles facultés privées de médecine».
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Interrogée à ce propos, Hanane Rihab, ex-députée de l’USFP, dénonce à son tour une décision «prise à la sauvette et qui ne sert pas l’intérêt des étudiants».
La députée ne se rappelle pas non plus que le ministre ait fait part au Parlement de son intention d’accorder à la fin du mandat de ce gouvernement de licences à des facultés privées de médecine. «Il est préférable d’éviter de prendre des décisions de ce genre durant le temps mort d’un gouvernement», renchérit Hanane Rihab.
Pour sa part, Mohamed Derouiche, président de l’Observatoire national du système de l’éducation et la formation (ONEF), une ONG indépendante, dénonce ce qu’il qualifie de «décision ministérielle hâtive».
«Nous sommes fortement surpris par la démarche menée par le ministre. Nous sommes d’autant plus surpris que la rapidité avec laquelle Saaïd Amzazi liquide des dossiers aussi importants est suspecte alors qu’il s’apprête à quitter son poste de ministre», a souligné Derouiche.
Et d’ajouter: «Le développement des facultés privées de médecine ne doit en aucun cas se faire au détriment des facultés publiques. Nous nous interrogeons sur les vraies raisons derrière cet empressement, car il n’est pas admis d’opter pour une telle gouvernance ou d’imposer un fait accompli de la part d’un ministre sortant».
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Pour sa part, Ahmed El Hijri, vice-président de l’ONEF et professeur à la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, critique sévèrement les dernières décisions du ministre Amzazi.
Admettant que «la qualité des soins offerts jusqu’ici aux citoyens est jugée très insuffisante», Ahmed El Hijri estime que «les démarches à suivre pour l’améliorer (...) doivent être mûrement réfléchies. Quand des décisions sont prises dans la précipitation, conclut le professeur de médecine, elles risquent d’aboutir à l’opposé des objectifs escomptés».
Le docteur Oussama Alami Ouhabi, un des dirigeants du Syndicat indépendant des médecins du secteur public, qualifie pour sa part de «honte» la dernière mesure du département d’Amzazi. Il souligne que compte tenu de l’importance de cette décision, elle ne devrait pas être prise alors que le gouvernement est sortant.
«Alors que le nouvel exécutif est en cours de formation par Aziz Akhannouch, on se demande ce que cache l’empressement du ministre sortant de l’Education en accordant des autorisations à deux facultés de médecine privée non encore dotées d’un centre hospitalier». «C’est une décision précipitée et intempestive qui sera préjudiciable sur la qualité des médecins qui vont exercer demain», prévient-il.
Si une enquête parlementaire est diligentée, elle risque d’apporter bien des révélations et permettre à l’opinion publique de découvrir le pot aux roses.