Entre le PJD et le PAM, la route est désormais dégagée pour une alliance électorale en 2021. A priori, tout porte à le croire. Le jugement, en appel, du tribunal administratif de Rabat en faveur du courant de l’Avenir, le clan rival de Hakim Benchamach, fait l’effet d’une bouée salvatrice pour le PJD. Du coup, les déclarations conciliantes du secrétaire général adjoint, Slimane El Omrani et du président de la commission des finances à la 1ere Chambre, Abdellah Bouanou, d’un côté, et les propos fort laudateurs d’Abdellatif Ouahbi du PAM de l’autre prennent tout leur sens. Les sorties des uns et des autres augurent, en effet, d’un nouveau départ dans les relations entre les deux partis qui se livrent une guerre d’usure depuis dix ans.
Cette guerre s’est relativement calmée, certes, depuis le départ d’Abdelilah Benkirane et après lui, d’Ilyas El Omari, mais ce que les deux formations vivent aujourd’hui est davantage qu’une trêve. Que s’est-il passé pour que ces deux partis, que rien ne rassemble, se rapprochent subitement de manière aussi spectaculaire? Le PJD étant, en effet, un parti islamiste et le PAM une formation qui se dit progressiste et dont la raison d’être est justement de combattre l’islam politique. Il faut dire que le principe de la politique est le changement, et la seule donne qui a changé sur la scène politique, c’est l’apparition d’Aziz Akhannouch, analyse le quotidien Al Massae dans un dossier qu’il a consacré à ce sujet dans son édition du week-end des 7 et 8 décembre.
Akhannouch et son parti ne représentent pas uniquement un danger pour le PJD, mais aussi une «menace existentielle» pour le PAM, dont la mission était de vaincre le parti islamiste aux élections. D’après le quotidien, il existe une autre lecture de ce rapprochement qui évoluera certainement en alliance électorale, selon laquelle le PJD a senti que le contexte international a changé et ne se prête plus au jeu des frontières idéologiques et des lignes rouges entre les entités politiques. Le parti islamiste veut ainsi envoyer un message clair selon lequel il se dit disposé à se normaliser avec tous les partenaires et acteurs politiques, y compris ceux qui était considérés hier encore comme ses ennemis jurés.
Aujourd’hui, «celui qui n’évolue pas meurt», déclare Abdellatif Ouahbi, sans doute à l’adresse de ses nouveaux partenaires du PAM. Le «changement» qui est en train de s’opérer «doit être encouragé», rétorque l’islamiste Amine Maelainine. Les deux partis semblent donner corps au fameux adage connu des Marocains: «mon cousin et moi contre l’étranger», écrit le quotidien. Et cet «étranger», c’est le RNI et son président Aziz Akhannouch. Tout porte à croire, relève Al Massae, que les contours de cette alliance seront définis d’une manière plus claire lors du prochain congrès du PAM.
En attendant, il ne faut pas prendre pour acquise la bénédiction des bases des deux formations. Le PJD voit, certes, en le courant de l’Avenir un allié malléable qui pourrait l’aider à atténuer ses pertes face à la déferlante du RNI au prochaines élections, mais il ne faut pas croire que les bases du parti, surtout ceux qui rêvent encore d’un retour de Benkirane, accepteront facilement cette alliance. Cela d’autant que ces derniers ont toujours leur mot à dire au sein du conseil national. Pour le PAM, cette alliance pourrait représenter une bouée de sauvetage et le sortir d’une crise interne qui pourrait faire fuir nombre de ses cadres et élus vers le RNI.
Mais ce rapprochement résistera-t-il à la réalité historique qui veut que ces deux formations soient faites pour ne jamais se rejoindre? Il n’y a qu’à regarder les dernières élections législatives, souligne le quotidien, les électeurs ont été, en effet, divisés entre les deux pôles, l’un soutenu par tous les moyens et l’autre jouant à la perfection le rôle de la victimisation. Que s’est-il passé entre 2016, date des dernières législatives, et aujourd’hui? S’interroge le quotidien.
Il y a eu, en effet, cette alliance dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima, «une alliance pour le développement», commente le PJD. Elle n’est pas anodine, loin de là. Et pour cause, au-delà de l’importance de la région, cette alliance a été mûrement réfléchie entre les directions des deux formations. Elle sera sans doute le prélude d’une future normalisation et entente électorale, ne serait-ce qu’au niveau des collectivités locales et des régions, pour barrer la route au RNI et à l’Istiqlal. Quid du gouvernement? Si une alliance gouvernementale entre le PJD et le PAM paraît actuellement impossible, estime Al Massae, les expériences que nous avons vécues et qui paraissaient, elles aussi, impossibles, sont non seulement une réalité aujourd’hui, mais elles sont devenues même plus fermes et plus solide qu’on pouvait imaginer.