Le président du groupe parlementaire PJD à la Chambre des représentants, Driss El Azami, vient de créer la polémique au sein de la majorité gouvernementale au sujet du relèvement du droit d'importation sur les produits textiles turcs, estimant qu'il s'agit «d'une mesure sélective visant un partenaire». Comprendre: pourquoi la Turquie est-elle ciblée par cette mesure et pas les autres pays auxquels le Maroc est lié par un accord de libre-échange?
Les divergences au sein de la majorité existent depuis le débat parlementaire sur le Projet de loi de finances 2018, mais la polémique a refait surface après la réaction très critique de Driss El Azami, lundi 15 janvier, au cours de la séance des questions orales à la Chambre des représentants.
Driss El Azami, par ailleurs président du Conseil national du PJD, est revenu à la charge mardi dans une déclaration à Le360, dans laquelle il a réitéré ses propos sur «le caractère sélectif de la mesure», en se demandant pourquoi des produits d'autres pays ne sont pas taxés. «D’autant plus que ces produits concurrencent la fabrication nationale et pratiquent même le dumping», argue-t-il.
«La sélectivité laisse croire que des partenaires sont particulièrement visés», a-t-il insisté, faisant remarquer que le Maroc est connu pour le respect de ses engagements internationaux, notamment au niveau des accords de libre-échange. Par ailleurs, El Azami réfute l’idée selon laquelle son plaidoyer en faveur du textile turc serait motivé par des considérations partisanes. En effet, la proximité du PJD marocain et du parti turc au pouvoir (également nommé Parti de la Justice et du Développement) est de notorité publique.
Cette proximité entre les deux partis se reflète à travers des échanges entre les responsables, une prédilection pour les études des enfants des pjidistes marocains en Turquie et le fait que le parti de la lampe cite régulièrement le PJD turc comme un modèle, qui a permis à la Turquie de se développer économiquement. Driss El Azami exprime la gêne des pjidistes marocains à l’égard de leurs frères turcs. Cette gêne est d’autant plus insupportable que c’est le gouvernement de Saâd-Eddine El Othmani (bien connu pour son tropisme turc) qui a reconsidéré à la hausse les droits de douane sur les importations de textile made in Turkey. En effet, c'est via un avis public daté du 29 décembre 2017 que le ministère de l'Industrie, du commerce, de l'investissement et de l'économie numérique a annoncé l'entrée en vigueur de la nouvelle mesure. Il est habilité à prendre ce genre de décision conformément à l'article 17 de l'accord de libre-échange entre le royaume et la Turquie. Et c'est un arrêté conjoint avec le ministère de l'Economie et des finances qui l'a rendu applicable à partir de sa publication dans le bulletin officiel du 8 janvier.
Résultat: le président du groupe parlementaire du PJD marocain critique une décision prise par un gouvernement conduit par un autre pjidiste, Saâd-Eddine El Othmani, qui est également secrétaire général du PJD.
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Une mesure «protectionniste»Pour sa part, la secrétaire d'Etat chargée du Commerce extérieur, Rkia Derham, a rejeté le mot «sélectivité» en parlant du textile turc. «La mesure protectionniste est appliquée pour une durée déterminée (un an, nldr)», a-t-elle expliqué devant les députés. «C'est à la demande des professionnels et des exportateurs marocains que cette mesure a été prise», a-t-elle rappelé.
La députée de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), Hanane Rihab, a estimé dans une déclaration à Le360 que le droit en question vise «seulement à protéger la production nationale, sans aucune autre considération». «Les Turcs, a-t-elle affirmé, vont construire une usine de textile en Algérie», célébrée au demeurant en grande pompe par la presse du voisin de l'est comme étant "la plus grande usine de textile en Afrique".
Récemment, la secrétaire d'Etat au Commerce extérieur a expliqué que le droit d'importation sur le textile turc a été relevé à 27,5% contre 25%, soit une hausse de 2,5 points. Elle a indiqué que la valeur des importations du textile turc au Maroc s'était élevée en 2017 à un total de 1,7 milliard de dirhams.